Catastrophe de FukushimaEx-dirigeants condamnés à 95 milliards de francs de dommages-intérêts
Un tribunal de Tokyo a lourdement condamné, mercredi, quatre anciens responsables du fournisseur d’électricité Tepco pour avoir failli à empêcher l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima en 2011.
13’300 milliards de yens, soit plus de 95 milliards de francs de dommages-intérêts: telle est la condamnation infligée mercredi, par un tribunal de Tokyo, à quatre anciens responsables du fournisseur d’électricité Tepco pour avoir échoué à empêcher l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima en 2011, selon des médias locaux. Cette décision est l’aboutissement d’une procédure judiciaire lancée en 2012 par des actionnaires de Tepco. C’est la première fois que d’anciens dirigeants du groupe sont jugés responsables de la catastrophe de Fukushima Daiichi, survenue après un gigantesque tsunami.
À leur sortie du tribunal, des plaignants ont brandi des banderoles où l’on pouvait lire: «Responsabilité reconnue» et «Les actionnaires ont gagné». Les plaignants ont précisé dans un communiqué le montant total des dommages-intérêts ordonnés par la cour. Dans sa décision, le juge a estimé que «le sens de la sûreté et de la responsabilité requis pour un opérateur d’une activité nucléaire faisait fondamentalement défaut», selon la chaîne de télévision publique japonaise NHK. Les actionnaires faisaient valoir que le désastre aurait pu être évité si les dirigeants de Tepco avaient pris en compte des rapports préconisant des mesures préventives contre un raz-de-marée, comme installer à une altitude plus élevée les systèmes d’électricité de secours de la centrale, située au bord de l’océan Pacifique dans le nord-est du Japon.
Trois des six réacteurs de la centrale – les unités 1, 2 et 3 – étaient en service lorsque le tsunami, consécutif à un puissant séisme sous-marin, a déferlé le 11 mars 2011. Leurs systèmes de refroidissement sont tombés en panne quand des vagues ont inondé les générateurs de secours, provoquant la fusion des cœurs des trois réacteurs. Des explosions d’hydrogène s’étaient également produites dans les réacteurs 1, 3 et 4, faisant de gros dégâts. Les travaux de décontamination et de démantèlement de la centrale devraient encore durer plusieurs décennies.
Acquittés au pénal en 2019
«Nous exprimons encore une fois nos excuses les plus sincères pour les gens de Fukushima et la société en général» pour les dégâts et les inquiétudes provoqués par cette catastrophe, a déclaré mercredi à l’AFP un porte-parole de Tepco, refusant toutefois de commenter la décision de justice. Depuis l’accident de Fukushima, Tepco fait face à de nombreuses procédures judiciaires, y compris de la part d’habitants qui ont été forcés d’évacuer la région à cause des radiations, dans des conditions parfois très éprouvantes.
En 2019, trois anciens dirigeants de l’opérateur poursuivis au pénal par des évacués de la région avaient été acquittés en première instance. Les parties civiles ont fait appel. Ces ex-patrons innocentés à l’époque – l’ancien président du conseil d’administration de Tepco Tsunehisa Katsumata et les anciens vice-présidents Sakae Muto et Ichiro Takekuro – figurent parmi les quatre condamnés au civil mercredi, au côté d’un autre ancien dirigeant de la société, Masataka Shimizu.
Si le tremblement de terre et surtout le tsunami du 11 mars 2011 ont causé la mort de 18’500 personnes dans le nord-est du Japon, la catastrophe nucléaire de Fukushima en elle-même n’a fait aucune victime sur le coup. Cependant, cette catastrophe nucléaire est indirectement responsable de plusieurs milliers de «décès liés», reconnus par les autorités japonaises comme des morts dues à la dégradation des conditions de vie des nombreuses personnes évacuées de la région. L’État japonais et Tepco ont déjà été condamnés au civil à diverses reprises, à la suite de nombreuses plaintes d’évacués en nom collectif. Leurs amendes sont cependant restées symboliques.