Le siège complet de Gaza pose un dilemme à l’Egypte

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Conflit Israël-HamasLe «siège complet» de Gaza pose un dilemme à l’Égypte

Le pays, seule ouverture sur l’enclave palestinienne, hésite entre ouvrir sa frontière ou laisser les Palestiniens sous les attaques israéliennes.

Le poste-frontière de Rafah avec l’Égypte.

Le poste-frontière de Rafah avec l’Égypte.

AFP

L’Égypte, seule ouverture sur le monde de Gaza, depuis qu’Israël a décrété un «siège complet» de l’enclave palestinienne, est devant un dilemme: ouvrir sa frontière aux Palestiniens, en risquant qu’Israël ne les laisse jamais revenir, ou les laisser sous les bombes israéliennes. Dans la bande de Gaza, la question de l’exil est une plaie à vif. Plus de 80% des 2,4 millions d’habitants qui s’y entassent sont des réfugiés chassés à la création d’Israël, en 1948, de villes parfois toutes proches de l’enclave. Alors, la perspective de quitter de nouveau une terre palestinienne, avec la possibilité qu’elle soit prise par l’armée israélienne, n’apparaît pas comme une option.

«On va rester, on ne partira pas», lançait ainsi jeudi Jamal al-Masri, dont la maison située dans le camp d’Al-Shati, le plus grand de la bande de Gaza, venait d’être détruite par un avion israélien. «Le peuple palestinien s’est exilé une fois et il ne recommencera pas, le départ vers le Sinaï est une belle illusion», a renchéri sur une télévision arabe, Mohammed Dahlane, politicien gazaoui installé dans le Golfe.

Mais si les habitants de Gaza ne se pressent pas au poste-frontière de Rafah – actuellement fermé après trois bombardements israéliens – des voix demandent à l’Égypte d’accueillir des réfugiés. Le pays se targue de longue date de ne jamais monter de camps de tentes, faisant valoir que les neuf millions de Syriens, Irakiens et autres Soudanais qu’il accueille peuvent en échange travailler et étudier comme les citoyens égyptiens.

«Exporter la crise»

Surtout, appeler des Palestiniens à quitter leur terre serait, pour l’Égypte, briser un tabou sûrement plus grand encore que la reconnaissance d’Israël en 1979, la première d’un pays arabe. Si les habitants du nord de Gaza auxquels Israël a ordonné, vendredi, de gagner le sud de l’enclave – plus d’un million de personnes – quittaient l’enclave palestinienne, ce serait déjà beaucoup plus que les plus de 750’000 réfugiés de la «Nakba» de 1948, la «catastrophe» qu’a représentée pour les Palestiniens la création d’Israël.

Vendredi, le président palestinien Mahmoud Abbas a déjà parlé d’«une seconde Nakba» et le Hamas a rejeté cet ordre. La veille, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi avait martelé que les habitants de Gaza doivent «rester sur leur terre». La question palestinienne «est la cause de tous les Arabes et c’est important que le peuple qui l’incarne reste inébranlable», a-t-il mis en avant, après avoir martelé depuis le début du conflit se préoccuper «avant toute chose de la sécurité nationale», une allusion au fait que des combattants du Hamas pourraient se glisser parmi les réfugiés.

Le roi Abdallah II de Jordanie, autre pays voisin, a dit vendredi refuser «l’exportation de la crise aux pays voisins et l’aggravation de la question des réfugiés» palestiniens, qui sont déjà près de six millions dans le monde, dont un tiers en Jordanie. La préoccupation de l’Égypte et de la Jordanie est donc uniquement de rassembler de l’aide humanitaire pour Gaza, répètent dans ces deux pays, les médias d’État.

Pour le régime égyptien, le souvenir de janvier 2008 reste cuisant, au début du blocus israélien de l’enclave. Des milliers de Palestiniens avaient alors forcé la frontière, des militants du Hamas ouvrant au bulldozer de nouvelles brèches dans le mur frontalier à chaque tentative égyptienne de reprendre le contrôle.

Depuis, l’Égypte a redessiné la ville de Rafah, où une large zone a été entièrement rasée par l’armée, dans le cadre de sa lutte contre des jihadistes dans le Nord-Sinaï. Depuis ces opérations de «contre-terrorisme», personne ne peut circuler dans la région sans montrer patte blanche à de nombreux check-points. Et au lieu des maisons rasées, les autorités ont construit une «Nouvelle Rafah», aujourd’hui encore inhabitée.

(AFP)

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