A Macolin, elle fait fabriquer son propre accordéon

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Macolin (BE)Elle fait fabriquer son propre accordéon!

Attachante, naturelle, patriote, Nicole Thomet a imaginé un instrument à son image.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé

Vidéo: lematin.ch/Sébastien Anex

Son grand-père jouait de l’accordéon dans les bals du samedi, à côté de la fonderie de Choindez, un site industriel d’un autre âge. De cette époque, Nicole possède quelques photos noir/blanc. L’amour qu’elle porte à cet instrument est-il filial? Pas en droite ligne avec sa maman, toiletteuse pour chiens, mais à l’évidence avec un son papa, un décolleteur qui jouait de l’accordéon et qui en fabriquait.

«Mon frère aîné en jouait aussi et je l’ai imité», sourit Nicole Thomet, qui a fait de l’accordéon son métier. Née à Delémont (JU), Nicole a fait ses gammes à Reconvilier (BE), en passant du grand accordéon chromatique de son père à un plus petit format qui lui convenait mieux. Gamine déjà, elle faisait «tout à fond», comme elle dit.

Son menton

Quand elle avait sept ou huit ans, son instrument frôlait son menton. Son père devait le lui retirer des mains pour l’envoyer au lit. C’était l’époque où un certain Gilbert Hofstetter de Courtedoux faisait rayonner l’accordéon.

Gamine, elle passait à la TV avec son frère: le duo «Nicole et Jacky» faisait un carton dans une émission animée par la chanteuse Karen Cheryl. C’était l’époque des disques en vinyle, en 33 tours ou en 45 tours. Le duo fréquentait des studios genevois et bâlois pour des enregistrements réalisés en une seule prise.

Berger allemand

À 13 ans, Nicole a gagné un championnat romand et du même coup, un pari qui a contraint son père à lui acheter un berger allemand nommé Diane. La rigueur de la musique académique lui convient: elle est adepte d’une hygiène de vie plutôt stricte.

Nicole Thomet a besoin de règle, elle le dit à 55 ans. Accordéon en mains, la fantaisie se déploie sans alcool pour celle qui veut «être au top». Debout à 5 heures pour une promenade avec ses chiens, Nicole règle sa vie comme une horloge. Son hyperactivité est assumée: «Chez nous, ça déménage».

Se surpasser

L’accordéoniste de Macolin a toujours envie de se surpasser. Comme le fruit ne tombe pas loin de l’arbre, sa fille est devenue coach sportive et la maman en profite pour rester fit. C’est qu’il en faut de l’énergie pour être enseignante, essentiellement par Skype depuis la pandémie, une activité qui la mène jusqu’à Laval, au Québec.

Depuis trente ans, Nicole enseigne l’accordéon de 7 ans à 77 ans, et même en ce moment jusqu’à 90 ans! C’est le folklore suisse qui l’inspire, dans un style jurassien très rapide qui exige de la dextérité.

Ce qui la distingue, depuis une année, c’est qu’elle fait fabriquer en Italie un accordéon chromatique de sa propre invention, un Nikkis d’à peine 4,5 kilos, un poids plume tout en bois pour souligner son attachement à son coin de pays, entre nature et patrimoine.

Ce n’est ni une Schwytzoise, ni un bandonéon. Le Nikkis convient à un répertoire folklorique et populaire. «Je l’ai fait comme je pensais, sans regarder ni à gauche, ni à droite», raconte Nicole, une musicienne qui joue debout. Sa volonté: supprimer toutes les touches qui ne sont pas indispensables, celles qui répètent une même note. Résultat: les 4e et 5e rangées de touches ont disparu, ces notes étant produites par les 1re et 2e rangées.

Notes parsemées

«L’accordéon est plus complexe que le piano, où les notes se suivent au lieu d’être parsemées», dit-elle.

Le «Nikkis» combine son prénom et celui de ses enfants Kilian (20 ans), Kenan (18 ans) et Shadia (35 ans). L’instrument simplifié se décline en trois essences qui produisent des sons différents: l’érable pâle, le cerisier chaud et le noyer foncé. Elle l’a décoré avec des symboles extraits de son univers: une croix suisse, le chien Noushka, la forêt et les Alpes qu’on voit depuis Macolin.

Voyage en Italie

Les 14 et 15 mai derniers, Nicole a fait un voyage en Italie pour une visite au «Maxim’s Group», qui fabrique les «Nikkis» à Castelfidardo, patrie de l’accordéon. Avec un passage à Rimini sur le chemin du retour, un de ses élèves n’ayant jamais vu la mer, à 82 ans…

«Loin de la performance, mon accordéon a une fonction thérapeutique, quand on le tient contre soi et qu’on ressent ses vibrations. N’oubliez pas qu’avec son soufflet, c’est un instrument à vent…», explique Nicole Thomet. Elle en joue comme on enlace un tronc d’arbre, elle qui court en forêt pour trouver plénitude et sérénité.

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