Elle adopte une amie pour avoir une famille

Publié

Corée du SudElle adopte une amie pour avoir une famille

Une écrivaine de 44 ans a trouvé une solution insolite pour contourner les lois de son pays.

Eun Seo-ran a adopté sa meilleure amie, Lee Eo-rie, qui a désormais des droits plus étendus.

Eun Seo-ran a adopté sa meilleure amie, Lee Eo-rie, qui a désormais des droits plus étendus.

AFP

L’écrivaine sud-coréenne Eun Seo-ran vivait heureuse en célibataire sans enfants, jusqu’à ce qu’une urgence médicale la pousse à fonder une famille qui s’occuperait d’elle. Pour cela, elle a choisi une voie peu conventionnelle: adopter légalement sa meilleure amie.

Mme Eun, 44 ans, vit loin de sa famille biologique, un éloignement tant géographique qu’affectif. Mais elle a une très bonne amie: Lee Eo-rie. Les deux possèdent une propriété commune, vivent ensemble, partagent les factures et veillent l’une sur l’autre en cas de maladie. Le tout sans avoir de relation amoureuse.

Elles pensaient n’avoir aucun moyen d’officialiser cet arrangement dans la Corée du Sud conservatrice, où le mariage entre personnes de même sexe et l’union libre ne sont pas reconnus et où la famille traditionnelle reste la norme.

Quand elle a été hospitalisée, Eun Seo-ran s’est rendu compte qu’elle avait besoin de quelqu’un à ses côtés, non seulement sur le plan émotionnel, mais aussi juridique. Que cette personne puisse lui rendre visite à l’hôpital en tant que membre de la famille et, le cas échéant, d’organiser ses funérailles. Elle a alors trouvé une combine légale: l’adoption entre adultes.

«Les liens affectifs sont les plus importants»

«La famille définie par la loi actuelle est basée sur l’union sexuelle» et les enfants qui en découlent, explique Mme Eun à l’AFP. Mais «je pense que les liens affectifs sont les plus importants».

«Quand je suis avec une personne et que je ressens une stabilité émotionnelle et une paix absolues en pensant à elle, je crois que cette personne pourrait être ma famille», ajoute-t-elle.

En Corée du Sud, où le taux de natalité est le plus bas du monde et où le nombre de mariages est en chute libre, de plus en plus de personnes vivent – et mourront – seules.

Les ménages unipersonnels représentent aujourd’hui 41% du total, et la proportion devrait encore augmenter.

«L’étroitesse de la définition juridique de la famille en Corée du Sud est en partie responsable» de cette situation, explique à l’AFP Hyeyoung Woo, spécialiste des familles sud-coréennes à l’université d’Etat américaine de Portland.

Problème de l’isolement

Même s’il y a de moins en moins de mariages (seulement 3,7 pour 1000 personnes l’an dernier, un record), les gens auront toujours besoin d’avoir des liens, et que ces derniers soient légalement reconnus, explique la députée Yong Hye-in.

«Nous devons résoudre le problème de l’isolement croissant des ménages composés d’une seule personne en élargissant les options qui s’offrent à eux», dit-elle à l’AFP.

Mme Yong a déposé une proposition de loi visant à élargir la définition légale de la famille. Mais elle s’est heurtée à l’opposition farouche du bloc conservateur et chrétien, qui craint un premier pas vers le mariage entre personnes de même sexe.

Si elle est adoptée, cette loi «démantèlera le système familial et causera un préjudice considérable aux enfants», a dénoncé l’Association coréenne pour la communication de l’Église.

Procédure très facile

Eun Seo-ran, née dans ce que la Corée du Sud considère comme une famille nucléaire «normale», raconte qu’elle n’a pas été heureuse dans son enfance.

«Ayant été témoin de la vie conjugale malheureuse de ma mère, je craignais de connaître le même sort si je choisissais de me marier», dit-elle. «J’ai choisi et créé une nouvelle famille avec laquelle je vis actuellement», dans laquelle elle se trouve «à l’aise».

La procédure pour adopter son amie s’est révélée, selon elle, d’une facilité déconcertante.

L’adoption d’un enfant par une personne non-mariée en Corée du Sud n’est pas interdite par la loi. Mais elle nécessite une enquête poussée et est rarement approuvée par les tribunaux.

Mais dans le cas de Mme Eun, les seules conditions étaient qu’elle soit plus âgée que Mme Lee, que cette dernière ne soit pas sa fille biologique et que ses parents soient d’accord. Après un unique formulaire, l’adoption a été approuvée en 24 heures.

Le processus s’est avéré tellement expéditif que Mme Eun admet s’être sentie déprimée en pensant à tous ceux qui se battent dans le pays pour faire reconnaître leurs unions non traditionnelles.

«Une famille, c’est un lien par lequel les gens, indépendamment de leur sexe ou de leur âge, se font confiance et comptent les uns sur les autres», affirme-t-elle, en espérant, un jour, un changement de législation.

(AFP)

Ton opinion

1 commentaire