Royaume-UniLa course à la succession de Boris Johnson est lancée
La course à la succession de Boris Johnson est lancée au sein du Parti conservateur britannique, au lendemain de la démission du Premier ministre.
Sans attendre le calendrier, prévu la semaine prochaine, pour l’élection d’un nouveau leader conservateur, le député Tom Tugendhat, président de la commission des Affaires étrangères au Parlement, a confirmé dès jeudi soir sa candidature, devenant ainsi le premier à se déclarer après l’annonce du départ de Boris Johnson.
Parmi les principaux candidats pressentis pour lui succéder, figurent en haut de tableau le ministre de la Défense Ben Wallace, suivi, selon un sondage YouGov, par la secrétaire d’État au Commerce extérieur, Penny Mordaunt, figure de la campagne en faveur du Brexit
En annonçant sa démission dans une courte allocution devant Downing Street, Boris Johnson, 58 ans, a précisé qu’il resterait au pouvoir jusqu’à la désignation de son successeur. «J’ai nommé un nouveau gouvernement qui sera en poste, tout comme moi, jusqu’à ce que le nouveau dirigeant soit en place», a-t-il déclaré, sans un mot pour la crise ouverte provoquée par la soixantaine de démissions dans son gouvernement depuis mardi, après un énième scandale.
Lors d’un conseil des ministres dans l’après-midi, il a précisé qu’il laisserait les «décisions budgétaires majeures» à son successeur, avant d’annoncer une série de nominations pour regarnir les rangs d’un gouvernement décimé.
L’idée d’un intérim a été immédiatement dénoncée par l’opposition et certains poids lourds conservateurs. L’ex-Premier ministre John Major (1990-1997), a jugé «imprudent et peut-être intenable» que Boris Johnson reste «plus longtemps que nécessaire» à Downing Street. «Nous n’avons pas besoin d’un changement à la tête des Tories. Nous avons besoin d’un vrai changement de gouvernement», a fait valoir le chef de l’opposition Keir Starmer.
«Immensément fier»
Une majorité des Britanniques (56%) veulent aussi que l’intérim soit assurée par quelqu’un d’autre, selon un sondage YouGov. 77% pensent que Boris Johnson a eu raison de démissionner.
À l’image des sentiments que suscite Boris Johnson, les unes de la presse britannique affichent vendredi un large éventail: d’un affligé «Que diable ont-ils fait?» (Daily Mail), un reconnaissant «Merci» pour le Brexit (The Sun, Daily Express), au «Pire Premier ministre de tous les temps» (Daily Record), en passant par de plus sobres «Johnson jette l’éponge» (The Times) ou encore «C’est (presque) fini» (The Guardian).
En annonçant sa démission, Boris Johnson s’est dit «immensément fier» de son bilan, en évoquant notamment le Brexit, la campagne de vaccination anti-Covid et son soutien à l’Ukraine.
Après deux ans et 349 jours tumultueux au pouvoir, marqués par le Brexit dont il était le héros, la pandémie, l’invasion russe en Ukraine, une inflation record et une montée des conflits sociaux, Boris Johnson a été poussé vers la sortie par son propre camp, lassé par les scandales à répétition et ses mensonges.
«Bye Boris»
D’une popularité jadis inoxydable, le chef du gouvernement avait sombré dans les enquêtes d’opinion après une série de scandales, dont le «partygate», ces fêtes illégales organisées à Downing Street malgré les confinements anti-Covid.
Boris Johnson avait varié dans ses explications, provoquant frustration puis colère jusque dans ses propres rangs. La police avait conclu qu’il avait enfreint la loi, mais il avait refusé de démissionner. Le mois dernier, il avait survécu à un vote de défiance, 40% des députés conservateurs refusant cependant de lui accorder leur confiance.
Les démissions mardi soir du ministre des Finances Rishi Sunak et du ministre de la Santé Sajid Javid avaient sonné l’hallali, après un nouveau scandale sexuel impliquant le «whip» adjoint chargé de la discipline des députés conservateurs, que Boris Johnson avait nommé en février, «oubliant» des accusations passées de même type.
Mercredi soir, plusieurs ministres s’étaient rendus à Downing Street pour essayer, en vain, de le convaincre qu’ayant perdu la confiance du Parti conservateur, il devait démissionner pour son bien et celui du pays. La séance hebdomadaire de questions à la Chambre s’était terminée par un «Bye Boris» moqueur répété par plusieurs élus.
«Nouvelle page»
Après l’annonce de sa démission, Boris Johnson a téléphoné au président ukrainien Volodymyr Zelensky. La présidence ukrainienne l’a remercié pour son soutien «dans les moments les plus difficiles».
Son départ est «une opportunité pour revenir à l’esprit véritable du partenariat et du respect mutuel dont nous avons besoin», a de son côté estimé le Premier ministre irlandais Micheal Martin, alors que les relations entre Dublin et Londres sont tendues au sujet de l’Irlande du Nord. Après des années de relations houleuses, l’Union européenne espère aussi que le départ du champion du Brexit sera l’occasion de renouer le dialogue avec Londres sur l’Irlande du Nord.
Officiellement, la Commission européenne s’est refusée à tout commentaire, mais pour l’ancien négociateur en chef de l’UE pour le Brexit, Michel Barnier, «le départ de Boris Johnson ouvre une nouvelle page dans les relations avec la Grande-Bretagne».