SessionDéfinition du viol: le National préfère le «Seul un oui est un oui»
Les milieux féministes ont gagné à la Chambre du peuple. Contrairement aux États, elle a choisi la variante où le viol sera fondé en droit pénal sur l’absence du consentement.
- par
- Christine Talos
C’est un cri de joie qui a retenti lundi peu avant 20 heures au National. Un cri qui émanait du camp rose-vert. En effet, après le Conseil des États, c’était au tour de la Chambre du peuple de débattre de la redéfinition du viol dans le droit pénal. Si les sénateurs avaient opté, l’été dernier, pour la règle du «Non c’est non», les députés ont, eux, choisi par 99 voix contre 88 la notion dite du «Seul un oui est un oui». Une pétition avait été déposée en ce sens le 21 novembre dernier à Berne.
Débat émotionnel
Avec cette variante, quiconque commet un acte d’ordre sexuel sur une personne «sans son consentement» pourra être coupable de contrainte sexuelle ou de viol. Le Conseil des États avait opté, lui, pour la solution selon laquelle est punissable quiconque commet un tel acte «contre la volonté» d’une personne.
Le débat a été, comme aux États, très émotionnel. «En Suisse, 12% des femmes ont subi un viol, mais seules 8% ont porté plainte, a relevé Laurence Fehlmann Rielle (PS/GE) au nom de la commission qui plaidait pour le «Oui c’est oui». «Ça démontre un manque de confiance des femmes dans notre système judiciaire», a-t-elle estimé, rappelant que de nombreuses plaintes pour viol s’étaient terminées par un acquittement. En outre, la solution «Oui, c’est oui» permettra de mieux prendre en compte les cas de sidération, quand la victime est incapable de réagir, selon la commission.
Une masculinité toxique à la James Bond
Le camp rose-vert a plaidé de toutes ses forces pour cette variante. À l’image de Tamara Funiciello (PS/BE): «On n’entre pas chez quelqu’un sans sonner. Pourquoi ma maison serait mieux protégée que mon corps?» a-t-elle interrogé. «Le «Non est un non» ne s’émancipe pas de la culture du viol qui a permis à notre Code pénal d’être aussi archaïque», a dénoncé Baptiste Hurni (PS/NE). Il repose sur une vision toxique de la masculinité, selon lui. «C’est le James Bond des années 1980 qui insiste et même contraint une femme avant qu’elle remarque qu’elle mourrait d’envie de l’agent secret.»
«Sur le plan juridique, la différence entre les deux variantes est peut-être minime, mais ce petit pas juridique, est un grand pas pour la protection de l’autodétermination sexuelle, et au final de l’égalité», a estimé Raphaël Mahaim (Verts/VD).
Un formalisme qui provoquera des «débandades»
Philipp Matthias Bregy (C/VS) a tenté en vain de rallier le National à la variante du «Non c’est non» «L’élément de la contrainte a été supprimé. C’est déjà un saut quantique», a-t-il souligné. Selon lui, cette variante est la plus facile à mettre en œuvre, et elle est recommandée par le monde de la justice. «Un refus est plus facilement prouvable», a abondé Christa Markwalder au nom d’un PLR très divisé. «Le «Oui c’est oui» créera beaucoup plus de confusion et de frustrations qu’il n’en résoudra», a tenté Vincent Maitre (C/GE).
Les partisans de «Non c’est non» craignaient aussi qu’avec le «Oui c’est oui» la présomption d’innocence soit égratignée et que la sexualité soit criminalisée. À l’image d’Yves Nidegger (UDC/GE): «S’il faut recueillir un oui à chaque étape, de l’œillade à l’acte, il va y avoir un formalisme qui va provoquer des débandades avec au final l’extinction de l’espèce», a-t-il lancé.
Comme les Etats, le National a aussi accepté de justesse de fixer à deux ans la peine plancher pour viol avec contrainte. Un viol avec cruauté serait lui sanctionné d'au moins trois ans de prison. La peine maximale pourrait aller elle jusqu'à 20 ans d'emprisonnement.
Le débat se poursuivait sur d’autres points de la réforme. Il retournera ensuite aux États.
La situation actuelle et ce que la loi veut changer
Pour rappel, aujourd’hui le viol est défini de manière restrictive. Seule la pénétration vaginale non consentie d’une femme par un homme est considérée comme tel. En outre, la loi précise qu’il doit y avoir eu contrainte. Avec le projet de révision, toute pénétration non consentie (orale, vaginale ou anale) d’une femme comme d’un homme pourra être considérée comme un viol. La notion de contrainte sera abandonnée.