Conflit israélo-palestinienLes proches de la journaliste Shireen Abu Akleh demandent justice à l’ONU
La journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh a été tuée par balle le 11 mai, alors qu’elle couvrait une opération militaire israélienne en Cisjordanie occupée.
Des proches de la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh ont déclaré jeudi aux enquêteurs de l’ONU qu’elle avait été tuée de façon délibérée en mai dans le cadre de la «guerre à grande échelle» menée par Israël contre les représentants des médias palestiniens.
Le cas de cette journaliste star d’Al Jazeera, tuée par balle le 11 mai alors qu’elle couvrait une opération militaire israélienne en Cisjordanie occupée, équipée d’un gilet pare-balles avec la mention «presse» et d’un casque, a fait l’objet d’une rare audience publique à l’ONU.
«Nous voulons la justice», a déclaré à l’AFP Lina Abu Akleh, nièce de la journaliste tuée, après avoir témoigné devant les enquêteurs des Nations Unies à Genève, un moment qu’elle a qualifié d’«historique». Cette première série d’audiences, sévèrement critiquées par Israël, est organisée depuis lundi par une commission d’enquête créée en 2021 pour enquêter sur les causes profondes du conflit israélo-palestinien.
S’adressant aux enquêteurs, Lina Abu Akleh a insisté sur le fait qu’il n’y avait aucun doute pour elle que les soldats israéliens «visaient délibérément (sa) tante». Un avis que partage l’ancien collègue de la journaliste, Ali Sammoudi, producteur d’Al Jazeera, qui était présent au moment des tirs.
«De sang-froid»
Il a déclaré aux enquêteurs de l’ONU qu’ils étaient en «tenue complète de journaliste» et qu’il n’y avait pas de militants à proximité. Soudain, «une balle a explosé en l’air», a-t-il dit, avant de décrire comment il a crié «Reculez!» et senti une explosion par-derrière. Il est clair, a-t-il dit en brandissant une photo de Shireen Abu Akleh, qu’elle «a été tuée de sang-froid, intentionnellement».
L’armée israélienne a reconnu pour la première fois en septembre qu’il y avait «une forte possibilité» pour que la journaliste ait été tuée par l’un de ses soldats. Cet aveu tardif n’a pas été une consolation, a déclaré Lina Abu Akleh. «Ils n’ont pas pleinement admis que c’était eux. Ils ne nous ont même pas vraiment donné le nom du soldat. (…) Ils ne veulent même pas ouvrir une enquête criminelle sur la question», a-t-elle dit à l’AFP.
Elle a ajouté qu’aucun représentant des autorités israéliennes n’avait pris contact avec la famille de la journaliste depuis les funérailles de sa tante le 13 mai, une cérémonie marquée par une charge de la police israélienne au départ du cortège funèbre. La famille a demandé une enquête indépendante.
«Guerre» contre les journalistes
Lina Abu Akleh a insisté sur le fait que ce cas «n’est pas un incident séparé». Le président du Syndicat des journalistes palestinien (PJS) Nasser Abu Bakr a abondé dans le même sens, déclarant aux enquêteurs de l’ONU que près de 50 journalistes palestiniens avaient été tués depuis 2000 et que «personne n’a été tenu pour responsable».
«Israël cible les journalistes palestiniens dans le cadre d’une politique systémique visant à étouffer les voix palestiniennes et à nous réduire au silence», a-t-il déclaré. «Nous, journalistes palestiniens, sommes soumis non seulement à des abus et à des violations, mais à une guerre à grande échelle de la part de l’État occupant», a-t-il affirmé. Il est rare que les commissions d’enquête de l’ONU procèdent à des audiences publiques.
Cette fois, les enquêteurs ont voulu faire preuve de la plus grande transparence afin de mieux répondre aux accusations de partialité. Mais les autorités israéliennes, qui ont refusé de coopérer avec la commission, restent très critiques. Israël a accusé les enquêteurs de défendre un «programme anti-israélien» et a également qualifié les auditions publiques, qui ont débuté lundi, de «procès fictifs».