Troubles anxieuxLe syndrome de l’imposteur, un «terreau au burn-out»
De plus en plus de personnes souffrent au travail d’une «éternelle remise en question» en ayant «la peur terrible d’être démasqué», un mal insidieux que des techniques peuvent aider à dompter.
«On s’imagine qu’on manipule tout le monde pour faire croire qu’on est très compétent.» Engagé dans une «course inatteignable», Julien, 37 ans, espérait à chaque nouveau diplôme ne plus douter: mais même en passant sa thèse, il a été convaincu d’avoir eu «un gros coup de chance».
Théorisé à la fin des années 1970 par deux psychologues américaines, le phénomène n’est pas considéré comme une pathologie. Il «ne fait pas partie du DSM, le Manuel statistique des troubles mentaux» qui sert de référence, explique Anne-Françoise Chaperon, psychothérapeute et consultante en prévention des risques psychosociaux.
Mais pourtant, c’est un sujet qui concerne «beaucoup de gens» et qui sert de «terreau au burn-out», dit-elle, notant qu’il est répertorié indirectement comme faisant partie des troubles anxieux.
Ce phénomène concerne notamment les personnes qui ont «beaucoup de valeur professionnelle», souvent des sur-diplomées, note-t-elle. «Ils font ce qu’on appelle en psychologie des attributions externes, c’est-à-dire que leur réussite n’est jamais grâce à eux: c’est toujours la chance, le fait d’être arrivé au bon moment. Ce qui fait qu’ils ne peuvent pas capitaliser de confiance en eux».
«S’épuiser à la tache»
À en croire un sondage YouGov de décembre pour le magazine français Management, le phénomène est largement répandu: 54% des femmes en ont déjà été victimes et 45% des hommes, le taux grimpant à 62% chez les managers.
Pour Julien, qui a conscience que c’est «ridicule» avec «plusieurs masters, un doctorat», «il y a ce côté très effrayant de se dire qu’en fait, je suis un imposteur. Le jour où ce sera révélé ça va être quelque chose d’absolument terrible». «Du coup, on va vraiment s’épuiser à la tâche pour tenter de prouver qu’on est à la hauteur.»
«C’est assez violent au quotidien», confirme Fred Christian depuis La Réunion. Ce développeur informatique de 42 ans a toujours l’impression «que les autres sont meilleurs», qu’il n’est «pas assez compétent», «une remise en question éternelle».
Comme lui, qui pointe des parents «pas assez encourageants», Camille Gillet, 33 ans, pense que ce complexe a été nourri par son éducation.
«Le problème, c’est que ça peut être bloquant», en se disant que «c’est perdu d’avance» ou en poussant à «peaufiner certaines choses jusqu’à la névrose», explique la jeune femme qui travaille dans le web-marketing.
Le ridiculiser, une astuce!
Elle-même passée par là, Sarah Zitouni, ingénieure et coach, suggère par exemple de nommer son syndrome, par des noms ridicules, afin de déjouer ce «piège mental».
Anne de Montarlot et Elisabeth Cadoche, auteures du «Syndrome d’imposture», préconisent aussi de dresser la liste de ses propres succès, en identifiant «les habiletés» les ayant permis.
Pour certains en grande souffrance, une psychothérapie peut également être utile pour repérer ces «facteurs de maintien», qui bloquent la situation malgré la réussite de la personne et qui favorise un cercle vicieux, note Anne-Françoise Chaperon.