ValaisL’incroyable évasion de l’incendiaire du Ministère public
Le condamné a fait une tentative d’évasion du pénitencier de Crêtelongue. Il a tenu 52 heures dans une caisse à quelques mètres des murs de la prison.
- par
- Eric Felley
En prison au pénitencier de Crêtelongue (VS) depuis plus de 60 mois, alors qu’il devait en faire 21, Benjamin* a finalement nourri des envies d’évasion. L’histoire est racontée sur le site l’1dex par son avocat, Me Stéphane Riand. L’année dernière, peu avant l’été, il a fomenté un plan. Il a réuni de la nourriture, des biscuits, de l’eau et surtout des fioles de Tabasco pour être prêt le jour J. Il n’avait cependant pas l’intention d’aller trop loin. Il avait repéré un palox à fruits (une grande caisse sur palette) juste à l’extérieur de la prison. Il s’y est finalement installé à l’insu des gardiens.
Procès à Bellinzone
Benjamin est un détenu un peu particulier. Le 5 décembre 2016, ce Valaisan d’une cinquantaine d’années avait bouté le feu dans le hall d’entrée des locaux du Ministère public à Sion. Il avait également fait flamber des véhicules sur le parking proche. Le jour même il était arrêté. Son geste était motivé par une grande frustration vis-à-vis de la justice valaisanne, notamment dans le cadre de l’affaire Luca Mongelli. Vu le caractère de son infraction, son procès avait eu lieu l’année suivante au Tribunal pénal fédéral de Bellinzone. Il avait pris 21 mois de prison ferme, peine assortie de mesures thérapeutiques institutionnelles.
Psychose paranoïaque
Selon l’expertise psychiatrique de l’époque, Benjamin était atteint de «psychose paranoïaque», qui nécessitait un traitement ad hoc dans un établissement spécialisé. En Valais, il a été emprisonné au pénitencier de Crêtelongue. Aujourd’hui, cela fait donc plus de 60 mois qu’il est privé de liberté, soit près de 40 mois de plus que la peine fixée par le Tribunal. En vertu de l’article 59 du Code pénal, sa dangerosité et le risque de récidive permettent qu’il en soit ainsi. Et si un juge le décide, par tranche de cinq ans, il pourrait y rester jusqu’à la fin de ses jours.
Une odeur repoussoir pour les chiens
Il s’est donc évadé pour rejoindre son palox d’environ 1,20 m par 1,20 m. Quand son absence a été signalée, l’ordre a été donné d’engager des gros moyens pour retrouver l’incendiaire du Ministère public. Le procureur général Nicolas Dubuis a fait l’objet d’une protection policière à son domicile. Selon Me Riand, des chiens, «des drones et deux hélicoptères» furent mobilisés pour quelques dizaines de milliers de francs en frais de recherche. Mais la police cantonale dément: «La police cantonale valaisanne n’a pas utilisé d’hélicoptère ou de drone pour les recherches. Celles-ci ont été effectuées dans le cadre habituel des activités de la police. Comme il est de coutume lors de telles interventions, nous ne donnerons pas davantage d’informations sur les moyens engagés».
Cependant, le détenu était là, tout près, pour assister au branle-bas de combat qu’il avait provoqué. Il se sentait en sécurité, car il avait badigeonné les parois de sa cache avec le Tabasco, qui dégage une odeur très repoussante pour les chiens.
Découvert après 52 heures
Notre survivaliste évadé s’était promis de tenir 90 heures dans le palox, mais il s’est fait prendre plus tôt, en sortant pour s’étirer les jambes après 52 heures. À ce moment-là, un gardien est venu soulager sa vessie dans les environs. «Et c’est ainsi, ironise Stéphane Riand, qu’un gardien de prison urinant captura un évadé qui, beau joueur, admit sa défaite».
Depuis, il a fait l’objet d’une nouvelle expertise psychologique. Un autre expert a estimé que le risque de dangerosité du détenu était plutôt «modéré» avec quelques «troubles délirants». L’avocat s’en réjouit en espérant que son client puisse retrouver la liberté avec ce diagnostic psychiatrique moins sévère. Une décision devrait intervenir bientôt dans un sens ou dans l’autre.
*nom d’emprunt