InterviewStress: «Je n’ai jamais autant bossé que sur ce projet MTV Unplugged»
Le rappeur suisse publie le live de son concert acoustique donné en juin dernier. Un bel accomplissement pour celui qui nous confie être sorti de dépression et avoir arrêté le cannabis.
- par
- Fabio Dell'Anna
Des applaudissements, les sons finement frappés d’un piano, les notes des nombreux violons qui vous transportent et puis le rap. Stress a sorti le 20 novembre l’album de son projet MTV Unplugged. Un format musical qui a marqué les années 90 avec la participation notamment de Nirvana, Kiss ou encore Alicia Keys.
Stress, de son vrai nom Andres Anderkson, a enregistré ce disque au Schiffbau de Zurich en juin dernier avec plus d’une dizaine d’artistes suisses invités. On retrouve Bastian Baker, Ilira, Stefanie Heinzmann ou encore son acolyte du groupe Double Pact, Negatif.
Après la sortie de «Libertad», son 8e album, début 2022, le Lausannois a travaillé plusieurs mois sur ce show. «Je ne faisais que d’y penser nuit et jour. Le show a été magique», nous dit-il le sourire aux lèvres dans les bureaux d’une radio zurichoise. Outre la sortie de ce disque, sorti le 10 novembre, la captation du concert acoustique sera diffusée sur RTS 2 le 30 novembre.
Comment est née votre participation à MTV Unplugged?
Les discussions ont commencé lorsque mon manager et moi avons vu le premier MTV Unplugged donné par un Suisse (ndlr: Patent Ochsner, en 2021). Il y a réfléchi, c’était le projet idéal pour célébrer les 20 ans de Stress. Il fallait juste trouver le financement. C’est un gros projet. La boss de MTV a donné le premier OK en octobre 2022 et m’a dit: «Tu verras, tu n’auras jamais bossé autant sur quelque chose.» Je pensais qu’elle exagérait, mais elle avait raison. Il y a tellement d’aspects auxquels on ne pense pas: c’est un film, un concert, un disque, un reportage… Tu manges, tu dors et tu vis MTV, tout le temps.
Vous êtes aussi le premier artiste francophone à passer le cap du MTV Unplugged.
Je ne sais pas ce que les Français ont foutu?! (Rires.) Mais c’est cool. J’ai adoré être avec trente musiciens sur scène et enregistrer le tout en deux soirs. C’était un événement unique. Depuis vingt ans, notre façon de procéder sur scène est un peu similaire. Mais pour cet événement il fallait voir les choses différemment. Après tout ce temps, c’était rafraîchissant d’avoir un nouveau défi. Au début, je ne savais vraiment pas comment me débrouiller.
Comment c’était, émotionnellement, de rassembler vingt ans de carrière en deux soirées?
Fort. C’était aussi touchant d’avoir, par exemple, à mes côtés Negatif (ndlr.: son acolyte de Double Pact avec qui il a débuté dans la musique). On n’avait plus été ensemble sur scène depuis 2005, mais nos liens sont toujours aussi forts. C’est un mec tellement cool. J’ai pris conscience du chemin parcouru. Ce n’est vraiment pas donné à tout le monde de vivre de sa passion. Surtout sur la durée et de garder une certaine pertinence. Aujourd’hui, je suis content de voir que mes sons passent encore à la radio, je suis content de faire des tournées. C’est une putain de chance. Je suis heureux d’être où je suis.
Vous avez l’impression d’avoir changé votre façon de travailler en vingt ans?
Le switch s’est fait lorsque je suis sorti de dépression. Après dix-sept ans de dépression, je me suis rendu compte que j’étais en travers de mon propre chemin. J’ai commencé à écrire d’une manière beaucoup plus décomplexée. On le ressent dans mon flow. Avant, ma créativité venait de crispations ou de frustrations. Désormais tout est un peu plus fluide. Je ne suis plus aussi stressé par rapport au travail.
Vous avez appris le lâcher-prise?
Oui. J’ai toujours essayé de diriger mes intentions. J’essayais de les visualiser. Alors que maintenant je me fais confiance.
Pour le MTV Unplugged, on remarque aussi votre générosité. Vous prenez du temps à mettre tout le monde en avant, car ce n’est pas seulement votre projet.
Exactement. C’était vraiment important de créer cette dynamique. Je crois qu’inclure tout le monde a aidé à avoir une super vibe de manière générale. On m’a d’ailleurs répété qu’il y avait la même ambiance dans les coulisses que sur scène. Ce n’était que de l’amour. C’était aussi important de montrer que la Suisse a du talent. Je connaissais chaque invité.
Vous avez mentionné votre dépression. Dans votre album «Sincèrement», publié en 2019, vous en avez parlé ouvertement. Est-ce que la musique vous a aidé à aller mieux.
Oui. Pendant «Sincèrement», j’étais encore en train de travailler sur ma dépression. Sur l’album «Libertad», je tournais la page. Et là, tout va bien. «Sincèrement» a été très dur à réaliser, même si je trouve que c’est un très beau disque. Je prenais encore pas mal de dope et, depuis «Libertad», je suis sobre.
Quand avez-vous eu un déclic?
J’étais sur une île en Indonésie. C’était un endroit incroyablement beau et je rentrais d’une session de surf. Le mois d’avant, j’étais en Estonie (ndlr.: son pays d’origine). Je regardais la mer et je me suis dit: «Comment c’est possible que tu doutes autant de toi?» Je viens d’Estonie et j’ai réussi à être où je suis par la force de ce que j’aime faire. Le déclic a eu lieu à ce moment précis. J’ai pris confiance, j’ai arrêté de fumer de la weed… Tout a été assez rapide. Je suis rentré et je n’ai plus touché à rien.
En mars prochain, la tournée MTV Unplugged débute. Ce sera la même chose que l’album?
Ce ne sera pas possible d’avoir tous les invités ou un band aussi grand. On fait une tournée est des théâtres (seule date en Suisse romande: le 5 avril à l’Octogone de Pully). Il y a aussi l’aspect financier qui rentre en compte. Je ne peux pas payer trente musiciens. (Rires.) Ce sera le même spectacle avec quelques modifications et des surprises.
Vous avez encore d’autres projets?
En ce moment, j’enregistre. Je suis dans une phase où j’ai envie de créer de nouveaux morceaux. Pour MTV Unplugged, il n’y a eu que trois titres inédits, donc je passe mon temps en studio chez moi.