CommentaireLe débat sur la santé tourne à la cacophonie générale
Comme on pouvait s’y attendre, chaque parti va de ses propositions en refusant ou dénigrant celles des autres. Et tant pis pour les assurés.
- par
- Eric Felley
À Berne, suivre les débats multiples autour de la LAMal demande pas mal de sang-froid et de patience. En même temps, on ne peut être qu’admiratif pour tous les élus qui s’engagent à faire bouger les choses par le bout de leur lorgnette, tandis qu’au final, en rentrant chez eux, devant leurs électeurs, ils n’auront rien de tangible à leur annoncer. Cela relève du supplice de Sisyphe qui doit pousser sa pierre au sommet de la montagne, avant qu’elle ne roule en bas et qu’il ne doive recommencer.
Depuis plusieurs semaines, l’annonce de l’augmentation des primes 2024 est sur toutes les lèvres. Cela suffit! Tout le monde est d’accord. Paradoxalement, jamais on a été aussi éloigné d’un compromis, d’une piste ou d’une lueur d’espoir pour enrayer la spirale inflationniste de la santé. Quand la gauche fait des propositions pour soutenir la réduction des primes, le camp bourgeois refuse de donner les moyens. Quand le Centre propose un mécanisme pour freiner les coûts, tous les autres partis se braquent, le PLR qualifiant l’idée de «poudre de perlimpinpin». Pendant ce temps, les Verts proposent d’instaurer un nouveau système de primes en fonction du revenu, qui semble utopique. Enfin, le PLR insiste sur la création de son assurance «low cost», aussitôt dénoncée comme une médecine à deux vitesses indigne d’un pays comme la Suisse.
Statu quo
Dans cette cacophonie, l’UDC et les Vert’libéraux font moins de vagues. Leurs programmes défendent un peu les mêmes fondamentaux: la qualité des soins, la responsabilité individuelle et un système de concurrence, autrement dit le statu quo. Et finalement c’est qui va se passer: le statu quo. Les coûts et les primes vont continuer d’augmenter.
Dans le fond, tous les acteurs de la santé évoluent dans un modèle d’affaires qui recherchent la croissance. Les solutions qui contrarient cet impératif du marché sont écartées, consciemment ou non. Ce devrait être les assureurs qui donnent de la voix pour maîtriser les coûts. Ils le font ponctuellement quand ils refusent de rembourser une prestation fantôme ou faramineuse, ou qu’ils sanctionnent un médecin ou un prestataire trop gourmand. Mais fondamentalement, plus les primes augmentent, plus les assureurs augmentent leur chiffre d’affaires et profitent de l’emballement général.
Et voilà, dans deux semaines, Alain Berset, pour la dernière fois, et l’OFSP, annonceront l’augmentation des primes avec moult diagrammes et courbes. Tous les assurés feront leur calcul en fonction de cet appétit de croissance des acteurs et tenteront de dénicher une prime moins chère grâce à cette petite portion de concurrence que prévoit la LAMal. Mais c’est l’ultime illusion du système, qui est comme l’Hydre à qui l’on coupe une tête et où il en repousse deux.
Une seule assurance-maladie
Pour les assurés qui verront leur prime augmenter à la fin de l’année, le monde politique donne l’impression d’une impuissance désespérante. À l’heure où l’on fête les 175 ans de l’État fédéral, on peut se poser la question: pourquoi n’arrive-t-on pas à créer un système unique de santé au plan fédéral? Une grande partie des problèmes et de l’indécision provient des tensions financières entre la Confédération et les cantons. On a bien réussi à faire une seule armée, des Chemins de fer fédéraux (CFF), une seule assurance vieillesse (AVS), une seule assurance accident (SUVA), pourquoi pas une seule assurance-maladie? C’est par là qu’il faudrait commencer.