Football/Hockey - Didier Fischer: «Le véritable symptôme de la crise, c’est quand il y a rupture»

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Football/HockeyDidier Fischer: «Le véritable symptôme de la crise, c’est quand il y a rupture»

Des Servettiens qui s’enfoncent, des Aigles qui piquent du nez. Pour les «grenat», l’urgence est partout. Comment sortir de la crise de résultats? Le patron de la Fondation 1890 esquisse des pistes.

Nicolas Jacquier
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Nicolas Jacquier
Didier Fischer a présidé aussi bien le Servette FC que les hockeyeurs du GE Servette. Il est aujourd’hui le patron de la Fondation 1890.

Didier Fischer a présidé aussi bien le Servette FC que les hockeyeurs du GE Servette. Il est aujourd’hui le patron de la Fondation 1890.

Eric Lafargue

Didier Fischer, il ne fait pas bon porter les couleurs «grenat» ces temps-ci…

Au contraire, il faut être fier de les porter. Dans la famille élargie, il ne viendrait à l’idée de personne de ne plus s’afficher avec elles. Les résultats ne sont certes pas ceux que l’on escomptait et je partage la déception des fans. On a tous envie de vibrer sur des victoires plutôt que de s’inquiéter des conséquences d’une nouvelle défaite.

De la situation propre au hockey ou de celle liée au football, laquelle vous inquiète le plus?

Les deux championnats ne se ressemblent pas dans leur mode de fonctionnement. Si l’équipe accrochait les play-off, tout redeviendrait possible en hockey. Au foot, l’écart avec la tête se creuse, on a moins de garanties de pouvoir combler le retard accumulé. La priorité, c’est de recréer une spirale positive afin de changer de ligne d’horizon.

Même si Pascal Besnard se défend de parler de crise, quel regard portez-vous sur l’accumulation de défaites à la Praille?

«Paqui» (ndlr: surnom du président du SFC) a raison. Ce n’est pas parce qu’une équipe enchaîne les défaites comme c’est en l’occurrence le cas qu’elle est obligatoirement en crise. Tout s’additionne, tout se paie jusque dans les détails; en quelques mois, on est passé du poteau rentrant au poteau sortant. C’est comme une entreprise qui imagine réaliser tel chiffre d’affaires en théorie et qui, au pointage intermédiaire, en reste éloigné au niveau pratique. Le véritable symptôme de la crise, c’est quand il y a rupture, lorsque le vestiaire ne parle plus à son coach. Ce n’est absolument pas le cas ici.

«Je pense que Servette possède un contingent comptant plusieurs individualités au-dessus de la moyenne mais que ce même contingent est relativement moyen»

Didier Fischer, président de la Fondation 1890

C’est quoi alors le problème?

Je pense que Servette possède un contingent comptant plusieurs individualités au-dessus de la moyenne mais que ce même contingent est relativement moyen dans son ensemble. Il faudrait que les joueurs sur lesquels le club a misé durant le mercato se révèlent. On constate parfois quelques frémissements à la surface mais l’eau ne bout toujours pas. Ou exprimé autrement, le staff n’est pas encore parvenu à allumer la mèche. Se contenter de bien jouer ne suffit pas pour jouer mieux. Il manque aussi un buteur. J’espère que le club pourra combler ce vide.

Dimanche après Zurich, les joueurs aussi bien qu’Alain Geiger ont zappé leurs obligations médiatiques. Vous validez?

Je n’ai pas à valider, ce n’est pas mon rôle, c’est leur gestion. Mais je peux comprendre leur immense frustration. Une défaite peut vous plonger dans un vide abyssal, où vous n’avez envie de croiser personne. Cela m’est aussi arrivé (Rires).

Tout ne serait donc pas la faute des médias comme d’aucuns le suggèrent?

On est mal placé pour donner des leçons de morale à quiconque. Servette doit entretenir une saine relation avec les médias, sachant qu’il y a des devoirs de part et d’autre.

«Le changement passe par la responsabilisation individuelle. J’ignore si cette rébellion a déjà eu lieu»

Didier Fischer, président de la Fondation 1890

Dès lors, comment espérer rebondir?

On évoque souvent des solutions bateaux, les vertus du travail, etc. La mécanique du basculement, avec ses déséquilibres, est fragile, difficile à décortiquer. Pourquoi ce qui fonctionnait ne fonctionne-t-il plus? Quand l’équipe tournait bien, tout paraissait simple, Servette se trouvait en lévitation. Aujourd’hui qu’il importe de retrouver une euphorie, le changement passe par la responsabilisation individuelle. J’ignore si cette rébellion a déjà eu lieu. Ce que je sais, c’est qu’en aucun cas, le management de la peur s’avère un terreau fertile. Quand les résultats ne suivent pas, il ne faut pas trouver des leviers de nature à cristalliser les craintes. Il vaut mieux s’ouvrir que s’enfermer.

En tant qu’actionnaire, possédez-vous comme on le suppose un droit de regard sur les décisions à prendre?

On laisse les clubs piloter. Ils sont autonomes. Ce n’est pas à moi de prendre des décisions à leur place. Je me considère davantage comme un facilitateur, un apporteur de moyens. Ce qui n’empêche pas de beaucoup échanger en partageant nos expériences. L’actionnaire peut bien sûr aussi suggérer, évoquer des pistes ou demander en quoi il pourrait être utile.

«Il y a un style, une patte, une signature Servette. Je rêve de retrouver cet ADN qui est le nôtre»

Didier Fischer, président de la Fondation 1890

Le public peine à retrouver les Vernets et la Praille. Cela vous préoccupe-t-il?

Genève sera toujours Genève. Quand ça brille, les gens se mobilisent. Mais quand ça va moins bien, on trouve vite des excuses pour ne pas venir. Mais je ne remercierai jamais assez ceux et celles qui sont déjà là.

De quoi rêvez-vous?

Il y a un style, une patte, une signature Servette. Je rêve de retrouver cet ADN qui est le nôtre.

«Gérer la victoire, c’est savoir aussi anticiper l’échec»

À 64 ans, Didier Fischer connait tous les étages de la maison «grenat». Intronisé président en 2015 alors que le club de la Praille était menacé de faillite, il a relancé les footballeurs du SFC avant de passer la main à Noël 2019. Ce printemps, le vigneron de Peissy avait aussi été le boss intérimaire des Aigles des Vernets.

Il sait la versatilité des résultats, la délicate frontière séparant le succès de l’échec, la complexité de la gestion des hommes. Rien n’est figé, tout bouge. «Comment faire grandir un club?, (s’) interroge-t-il. Il n’y a pas que les classements et les points qui traduisent les progrès d’une équipe. Quand démarre une nouvelle saison, qu’a-t-on fait de la précédente? A-t-on vraiment cherché à combler ce qui a peut-être manqué? Gérer la victoire, c’est savoir aussi anticiper l’échec.»

Le patron de la Fondation 1890, qui chapeaute le hockey, le foot et le rugby sous la même bannière, n’a pas oublié le printemps enchanteur des hockeyeurs mais conserve un goût amer du dénouement (en finale, Zoug avait enlevé la série 3-0). «Le groupe était déjà tellement content d’avoir éliminé Gottéron puis Zurich qu’il n’avait plus de forces émotionnelles contre Zoug», nous expliquait-il encore mardi. Présenté naguère comme un héros, le coach Pat Emond devait faire ce mercredi les frais de ce faux départ prolongé. Vertige du déséquilibre et de la fuite du temps…

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