IrakLe président irakien pour des élections après des combats à Bagdad
De violents combats ont fait 30 morts dans la Zone Verte de Bagdad lundi, après l’annonce du «retrait» de la vie politique de l’influent Moqtada Sadr.
Le président irakien Barham Saleh s’est prononcé mardi en faveur d’élections législatives anticipées après le retrait des partisans du leader chiite Moqtada Sadr de la Zone Verte à Bagdad, théâtre de combats ayant fait 30 morts en 24 heures.
Riche en pétrole, le pays est secoué par une grave crise socio-économique doublée d’une impasse politique depuis les législatives d’octobre 2021. «La tenue de nouvelles élections anticipées (…) avec un consensus national représente une sortie» de crise, a déclaré Barham Saleh dans un discours télévisé. Un tel scrutin «garantirait la stabilité politique et sociale et répondrait aux aspirations des Irakiens», a-t-il ajouté.
La tenue de nouvelles législatives, réclamées par Moqtada Sadr, nécessite la dissolution du Parlement qui peut être demandée par un tiers des élus ou par le premier ministre avec l’accord du président de la République. Cette dissolution doit ensuite être approuvée à la majorité absolue de l’assemblée.
L’allocution de Barham Saleh est survenue quelques heures après la fin d’affrontements meurtriers à Bagdad entre des partisans de Moqtada Sadr, d’un côté, et les forces de l’ordre et des partisans du Cadre de coordination, alliance rivale de Moqtada Sadr qui regroupe des groupes pro-Iran dont celui du Hachd al-Chaabi, de l’autre.
Le premier ministre Mustafa al-Kadhemi a pour sa part déclaré que des enquêtes ont été ouvertes sur ces affrontements et a menacé de démissionner si la paralysie politique se poursuit. «S’ils veulent continuer à semer le chaos, le conflit, la discorde et la rivalité (…) je prendrai la mesure morale et patriotique qui s’impose et quitterai mon poste au moment opportun», a-t-il déclaré dans un discours.
«Excuses»
Lundi, aussitôt après l’annonce de l’influent Moqtada Sadr de son «retrait» de la vie politique dont il est pourtant un acteur incontournable, des milliers de ses partisans avaient envahi le siège du gouvernement dans la Zone Verte, secteur ultra-protégé de la capitale qui accueille aussi l’ambassade américaine, ce qui avait débouché sur les combats.
«Si tous les membres du Courant sadriste ne se retirent pas dans les 60 minutes de partout (à Bagdad), même du sit-in (devant le Parlement), je les désavouerai», a lancé mardi Moqtada Sadr lors d’une conférence de presse dans son fief de Najaf (centre). Dénonçant des actes «entachés de violence», il a présenté ses «excuses au peuple irakien».
Après son appel, ses partisans ont quitté la Zone Verte et les armes se sont tues. Les combattants ont laissé la place aux employés municipaux qui ont nettoyé les traces d’affrontements. Les combats entre d’un côté les Brigades de la paix, une faction armée aux ordres de Moqtada Sadr, et de l’autre les forces de l’ordre et le Hachd al-Chaabi, d’ex-paramilitaires intégrés aux forces régulières de l’autre, avaient repris mardi matin après une nuit relativement calme.
Au moins 30 morts
Selon un dernier bilan fourni par une source médicale, au moins 30 partisans de Moqtada Sadr ont été tués par balles depuis lundi et 570 personnes blessées dans la Zone Verte. Le Cadre de coordination, qui avait condamné une «attaque contre les institutions de l’État», a appelé le «Parlement et les autres institutions à reprendre leurs activités».
L’ambassade des États-Unis a salué la fin des combats et exhorté «tous les Irakiens à laisser les institutions gouvernementales continuer leur travail». L’Irak est plongé dans l’impasse politique depuis les élections législatives d’octobre 2021 remportées par Moqtada Sadr, les barons de la politique ayant été incapables de s’accorder sur le nom d’un nouveau premier ministre. Et le pays n’a donc ni nouveau gouvernement ni nouveau président depuis le scrutin.
Pour sortir de la crise, Moqtada Sadr et le Cadre de coordination s’accordent sur un point: il faut de nouvelles élections. Mais si Moqtada Sadr insiste pour dissoudre le Parlement avant tout, ses rivaux veulent d’abord la formation d’un gouvernement.
«Violence et déstabilisation»
Arrivé premier aux législatives avec 73 sièges (sur 329) mais incapable de former une majorité, il avait fait démissionner ses députés en juin, affirmant vouloir «réformer» le système et en finir avec la «corruption». Moqtada Sadr sait qu’il peut compter sur l’appui d’une large frange de la communauté chiite, majoritaire en Irak.
Ses partisans ont campé pendant un mois aux abords du Parlement dans la Zone Verte. Mardi, dès l’appel de leur chef à se retirer, les sadristes ont démonté les tentes qu’ils avaient installées, avant de quitter les lieux. En choisissant de les envoyer dans la Zone Verte, puis de les en retirer, Moqtada Sadr «montre (…) l’ampleur de sa base, en particulier à ses opposants», estime Renad Mansour du centre de réflexion Chatham House. «La stratégie de la violence et de la déstabilisation fait partie de la tactique de négociation de Sadr», juge-t-il.