LibyeLes causes des inondations meurtrières sont multifactorielles
Les scientifiques expliquent la survenue des inondations en Libye comme provenant d’une conjonction de divers facteurs, comme le réchauffement climatique et la désorganisation du pays.
Des mers plus chaudes, un chaos politique et des infrastructures défaillantes sont à l’origine des effets dévastateurs des inondations qui ont tué au moins 2300 personnes en Libye, selon plusieurs experts. Dans la nuit de dimanche à lundi, les deux barrages de retenue des eaux du Wadi Derna, l’oued qui traverse la ville de Derna, sur la côte est de la Méditerranée, ont lâché.
Des torrents puissants ont détruit les ponts et emporté des quartiers entiers avec leurs habitants de part et d’autre de l’oued, avant de se déverser dans la mer. Depuis le grand tremblement de terre qui a secoué la ville d’al-Marj (est) en 1963, c’est la pire catastrophe naturelle que connaît la Cyrénaïque, province orientale de la Libye.
Caractéristiques des cyclones et ouragans
La tempête Daniel s’est formée autour du 4 septembre, semant la mort et la destruction en Bulgarie, en Grèce et en Turquie, la semaine dernière, avant d’arriver en Libye. Ces tempêtes méditerranéennes qui présentent les caractéristiques des cyclones et ouragans tropicaux, appelés «medicanes» (contraction de Mediterranean hurricanes, ouragans méditerranéens), ne se produisent qu’une à trois fois par an.
Pour se former, elles ont besoin de flux de chaleur et d’humidité, qui sont «renforcés par les températures élevées de la surface de la mer», souligne Suzanne Gray, professeur au département de météorologie de l’Université de Reading en Grande-Bretagne.
Or, depuis plusieurs semaines, les eaux de surface de la Méditerranée orientale et de l’Atlantique sont deux à trois degrés Celsius plus chaudes que d’habitude. Elles sont «susceptibles d’avoir provoqué des précipitations plus intenses», ont déclaré plusieurs scientifiques, lors d’une réunion du UK National Climate Impacts.
La Commission européenne a annoncé, mercredi, l’envoi d’aide de l’Allemagne, la Roumanie et la Finlande vers la ville de Derna en Libye, touchée par des inondations dévastatrices, dans le cadre du mécanisme de protection civile de l’UE.
Cette aide est constituée de tentes, de lits de camp, de couvertures, de 80 générateurs électriques, de denrées alimentaires, de tentes d’hôpital et de réservoirs d’eau, précise un communiqué de la Commission, ajoutant que l’Union européenne se tient prête «à coordonner d’autres offres d’assistance».
L’UE indique aussi avoir débloqué une première enveloppe de 500’000 euros (quelque 479’557 francs) pour répondre aux besoins les plus urgents des populations libyennes touchées par la tempête Daniel.
Préfiguration?
Les scientifiques précisent que, pour le moment, il est difficile de dire si ce type d’événement sera ou non plus fréquent à l’avenir. Selon certains modèles, le changement climatique pourrait réduire le nombre de cyclones en Méditerranée, mais en augmenter l’intensité. La tempête Daniel «illustre le type d’inondations dévastatrices auxquelles nous pouvons nous attendre de plus en plus à l’avenir» à mesure que le monde se réchauffe, a déclaré Lizzie Kendon, professeur de sciences du climat à l’Université de Bristol.
Selon l’observatoire européen Copernicus, la surchauffe des eaux de surface des mers, qui absorbent 90% de la chaleur en excès produite par l’activité humaine depuis l’ère industrielle, entraîne des niveaux de chaleur record à travers le monde et 2023 sera probablement l’année la plus chaude de l’Histoire.
Pas une «catastrophe naturelle»
Mais le climat n’explique pas tout. Certains analystes estiment que la scène politique fragmentée en Libye – déchirée par plus d’une décennie de guerre civile à la suite de la chute du dictateur Mouammar Kadhafi, au pouvoir de 1969 à 2011 – a également contribué à cette catastrophe.
Leslie Mabon, maître de conférences en systèmes environnementaux à l’Open University du Royaume-Uni explique: «Le changement climatique peut rendre les phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents, plus imprévisibles et plus violents», remarque-t-elle. «Mais, en même temps, des facteurs sociaux, politiques et économiques déterminent qui et où on est le plus exposé aux risques de dommages plus importants.»
Faiblesses dans les normes de planification
Les pertes en vies humaines sont aussi une conséquence de la nature limitée des capacités de prévision, des systèmes d’alerte et d’évacuation de la Libye, observe pour sa part Kevin Collins, maître de conférences à l’Open University.
Des faiblesses dans les normes de planification et de conception des infrastructures et des villes ont également été mises en lumière, ajoute-t-il. Les conditions politiques en Libye «posent des défis pour le développement de stratégies de communication et d’évaluation des risques, pour la coordination des opérations de sauvetage, et aussi, potentiellement, pour la maintenance des infrastructures critiques telles que les barrages», renchérit Leslie Mabon.
Au moins 30’000 déplacés à Derna
Au moins 30’000 personnes ont été déplacées après les inondations qui ont dévasté la ville libyenne de Derna, faisant des milliers de morts selon les autorités, a indiqué mercredi, l’agence des migrations de l’ONU. «Au moins 30’000 personnes déplacées», à Derna, a indiqué l’Organisation internationale des migrations (OIM) dans un rapport sur la situation dans l’est de la Libye, après le passage de la tempête Daniel, dans la nuit de dimanche à lundi.