Guerre en UkraineLa Suisse durcit les sanctions: «Faire le jeu d’un agresseur, ce n’est pas neutre»
Le gouvernement a décidé de reprendre les sanctions de l’UE, de geler les avoirs russes et de sanctionner Vladimir Poutine.
- par
- Christine Talos
Les décisions en bref
«L’attaque de la Russie contre l’Ukraine est inacceptable du point de vue de droit international, politique et moral. Le Conseil fédéral a donc décidé de reprendre intégralement les sanctions européennes et de geler les avoirs russes», a déclaré le président de la Confédération Ignazio Cassis devant la presse lundi.
«Les avoirs des personnes et entreprises figurant sur la liste sont immédiatement bloqués; les sanctions financières contre le président russe Vladimir Poutine, le premier ministre Mikhail Mishustin et le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov sont également appliquées avec effet immédiat», précise le gouvernement dans son communiqué.
«De manière réfléchie»
Pourquoi maintenant? «Parce qu’il s’agit d’une mesure de grande ampleur et qu’il était nécessaire d’examiner scrupuleusement ses conséquences. Le Conseil fédéral a fait ce pas avec conviction, de manière réfléchie et sans équivoque», a-t-il ajouté.
Est-ce encore possible que la Suisse puisse proposer ses bons offices dans ces conditions? «On verra bien ce qu’il se passe mais, à la fin, on aura toujours besoin de diplomatie. Aucun conflit n’a été résolu sans la diplomatie», a estimé le chef des Affaires étrangères, se disant conscient que les sanctions suisses pouvaient mal passer auprès des Russes.
Sanctions financières
Les avoirs des personnes et entreprises figurant sur la liste de l’UE sont gelés avec effet immédiat. Il est désormais interdit d’établir de nouvelles relations d’affaires, a précisé le grand argentier Ueli Maurer. Ceci est valable aussi pour la Banque nationale suisse et la Banque nationale russe. La Russie n’est pas la place la plus importante pour les investisseurs helvétique, a-t-il précisé. Seules 2% des richesses en Suisse sont russes, a précisé le Zurichois. Le commerce des matières premières n’est pas concerné par les sanctions «en raison d’intérêts internationaux. Les livraisons de matières premières continuent d’avoir lieu».
Interdictions d’entrée et espace aérien fermé
Le Conseil fédéral a prononcé des interdictions d’entrée à l’encontre de cinq personnes qui ont des liens avec la Suisse et sont proches de Poutine, a annoncé Karin Keller-Sutter. Le gouvernement a en outre décidé de suspendre partiellement l’accord visant à faciliter la délivrance de visas conclu avec la Russie en 2009, a expliqué la ministre de la Justice. Les détenteurs de passeports diplomatiques pourront toutefois continuer d’entrer en Suisse sans visa. La Suisse pourra ainsi continuer d’œuvrer, par des entretiens et des négociations, à la résolution de conflits.
De plus, en accord avec les autres pays européens, la Suisse a fermé lundi après-midi son espace aérien à tous les vols en provenance de la Russie et à tous les mouvements aériens d’avions russes, à l’exception des vols humanitaires ou diplomatiques.
«Nous voulons être simples et généreux»
«Je présenterai le plus vite possible plusieurs options pour offrir de manière non bureaucratique aux Ukrainiens la protection dont ils ont besoin», a annoncé Karin Keller-Sutter. La Suisse laissera entrer les réfugiés même s’ils n’ont pas de passeport. «Nous voulons être simples et généreux», a-t-elle expliqué.
«En vertu de l’accord de Schengen, les Ukrainiens peuvent rester en Suisse sans visa pendant 90 jours. Au-delà, ils bénéficieront du statut de protection «S», qui leur permettra de rester», précise-t-elle. «Ce statut n’a jamais été utilisé. Il permet d’offrir une protection provisoire dans les situations de crise aiguë sans surcharger le système d’asile», rappelle-t-elle.
Selon la ministre de la Défense Viola Amherd, le Conseil fédéral s’attendait à ce qu’il y ait une escalade militaire à la périphérie de l’Europe. «La disposition à recourir à la force militaire a augmenté. Les États, dont la Suisse, doivent être en mesure de se défendre», a-t-elle lancé. En réponse à un journaliste, elle a toutefois estimé que la population ne devait pas avoir peur d’une guerre nucléaire. «On a envisagé cette possibilité mais ce scénario est très peu probable», estime-t-elle.