MédecinePremière suisse: des protons pour traiter un cancer de l’œsophage
La tumeur d’un patient a été visée ce mardi par une irradiation moins destructrice pour les tissus voisins que les rayons X. Le test dira si cela réduit les complications.
- par
- Comm/M.P.
Un patient âgé de 67 ans, présentant un cancer de l’œsophage, a été traité ce 15 août par protonthérapie à l’Institut Paul Scherrer PSI, à Villigen (AG). C’est la première fois que ce type de radiothérapie est utilisée pour une tumeur œsophagienne en Suisse. Le traitement de cinq semaines se déroulera dans le cadre d’une étude européenne, à laquelle le PSI et l’Hôpital universitaire de Zurich (USZ) participent conjointement.
Les médecins explorent la possibilité d’utiliser la protonthérapie contre ce type de cancer, afin de voir si cela permettrait de réduire les complications pulmonaires, qui surviennent fréquemment avec la radiothérapie classique.
Depuis 1996, le PSI irradie avec succès des patients qui sont atteints de tumeurs situées dans le cerveau, dans les zones de la tête et du cou, ainsi qu’au niveau de la colonne vertébrale et des tissus mous. Pour le cancer de l’œsophage, en revanche, ce traitement n’avait encore jamais été utilisé jusque-là. «Nous sommes heureux de pouvoir offrir à présent ce traitement aux patientes et patients en Suisse dans le cadre d’une étude clinique de ce type», explique Matthias Guckenberger, directeur de la Clinique de radiooncologie de l’USZ.
Ces travaux sont menés dans le cadre de l’étude paneuropéenne PROTECT qui compare les effets indésirables de la radiothérapie conventionnelle avec ceux de la protonthérapie lors de l’irradiation du cancer de l’œsophage.
600 cas en Suisse
En Suisse, quelque 600 personnes développent chaque année un cancer de l’œsophage. Dans les trois quarts des cas, ce sont des hommes. Il s’agit donc d’un cancer relativement rare, mais au niveau mondial, il reste le huitième le plus fréquent.
Dans la plupart des cas, le traitement consiste en une combinaison de chimiothérapie et de radiothérapie, suivie d’une opération, au cours de laquelle on procède à l’ablation de ce qui reste de la tumeur et des ganglions lymphatiques environnants. Comme des sections de l’œsophage doivent être retirées en même temps que la tumeur, les parties saines restantes sont ensuite reliées à l’estomac.
Souvent, la radiothérapie de l’œsophage peut entraîner des complications de gravités diverses au niveau des organes environnants. Surtout au niveau des poumons: cet organe sensible est étroitement accolé à l’œsophage et se retrouve donc souvent affecté par la radiothérapie. Certains patients souffrent ensuite de pneumonie, par exemple, ou d’autres problèmes, ce qui peut compliquer l’opération vitale prévue après ou la guérison ultérieure.
Protons plus inoffensifs
La protonthérapie pourrait être une solution: «Notre hypothèse est qu’avec la protonthérapie, les complications pulmonaires se produisent moins fréquemment, explique Damien Weber, médecin-chef et directeur du Centre de protonthérapie au PSI. Nous cherchons maintenant à vérifier si c’est vrai».
Les protons comme les rayons X (photons) utilisés dans le cadre de la radiothérapie classique du cancer endommagent le matériel génétique des cellules tumorales et les tuent. S’il est aujourd’hui possible de focaliser les rayons X de manière très précise sur la tumeur, ils affectent cependant les tissus sains environnants et peuvent également les endommager. Contrairement aux rayons X, les protons sont des particules dotées d’une masse et d’une charge, et leur profondeur de pénétration dans les tissus est très précisément prédéterminée en termes physiques. Lorsqu’ils traversent le corps du patient en direction de la tumeur, les protons perdent peu d’énergie et ne libèrent la plus grande partie de celle-ci qu’une fois sur place, dans la tumeur. Comme ils ne vont pas plus loin, les tissus sains situés à l’arrière de la tumeur restent épargnés en grande partie. Les médecins espèrent ainsi réduire les complications pulmonaires après une radiothérapie.
Une vingtaine de volontaires en Suisse
Dix-neuf partenaires de recherche (dont des universités, des hôpitaux et des centres de recherche) ont uni leurs forces pour l’étude PROTECT. «Notre collaboration nous permet d’intégrer plusieurs centaines de patients, ce qui confère une plus grande validité aux résultats de notre étude», relève Dominic Leiser, radiooncologue et principal investigateur d’études au PSI. La direction de l’étude a été confiée à l’Université d’Aarhus, au Danemark; le PSI a co-initié l’étude au niveau européen.
En tout, quelque 400 patients atteints d’un cancer de l’œsophage non métastasé devraient être traités, dont une vingtaine en Suisse. Tous les participants à l’étude commencent par se voir administrer une radiothérapie combinée à une chimiothérapie, avant d’être opérés six à douze semaines plus tard. Environ la moitié de ces personnes sont traitées avec des rayons X à l’USZ, et les autres au PSI avec des protons; la répartition se fait par tirage au sort. Cela permet de comparer directement le succès de la protonthérapie et de la radiothérapie conventionnelle. Outre la radiothérapie aux rayons X, c’est à l’USZ que les participants à l’étude sont traités par chimiothérapie, puis opérés.
Remboursement possible par l’assurance
Les participants sont recrutés en permanence et dépistés quant à leur aptitude à participer à l’étude. Celle-ci inclut également des personnes qui sont atteintes de tumeurs situées à la jonction gastro-œsophagienne, c’est-à-dire à la jonction entre l’estomac et l’œsophage. «Si l’espoir se confirme que la protonthérapie présente des avantages pour le traitement du cancer de l’œsophage, ce type de cancer pourrait être placé sur la liste d’indication de l’Office fédéral de la santé, relève Damien Weber. Les assurances maladie prendraient alors en charge les coûts d’une protonthérapie en cas de cancer de l’œsophage.»