CommentaireUn petit million pour la garde dans la crainte du peuple
La contribution valaisanne à la rénovation de la caserne du Vatican illustre un arrangement entre gens de bonne compagnie, valaisans et anciens élus du PDC.
- par
- Eric Felley
Le 25 septembre dernier, le refus net des Lucernois d’accorder un don de 400’000 francs pour la rénovation de la caserne des gardes du pape au Vatican en a surpris plus d’un. Depuis 500 ans, le canton de Lucerne est le pilier de cette institution pontificale avec 24 commandants de la garde. Ce fut un couac pour les porteurs de ce projet estimé à 50 millions de francs. Un couac plus symbolique que financier, car la Fondation pour la caserne a déjà réuni 48,2 millions de promesses de dons à fin octobre.
En Suisse, certains cantons ont décidé de verser 1 franc par habitant. D’autres, comme les cantons protestants de Vaud et Genève, ne versent rien. Fribourg a promis 50’000 francs et s’est fait montrer du doigt pour sa pingrerie. Le Valais a fait du zèle en promettant un million de francs, prélevé sur le fonds de la Loterie Romande. Une pétition dotée de 4100 signatures a été déposée vendredi dernier pour en appeler à un vote populaire.
Pouvoir «régalien»
En 2021, le Valais a distribué 37 millions de francs des bénéfices de la loterie. Un million représente donc environ 3%. Ce n’est pas énorme, mais sur le principe, cela se discute. En utilisant ce fonds, le Conseil d’État valaisan a usé de son pouvoir «régalien», contournant ainsi le Grand Conseil ou un vote populaire. Mais s’il n’y avait pas eu le scrutin dans le canton de Lucerne, personne n’aurait soulevé cette carence démocratique en Valais. Le résultat lucernois a montré que le confort des gardes du pape n’était pas si populaire que cela. Pas sûr qu’il le soit davantage en Valais.
Les anciens à la manœuvre
Pour mieux comprendre comment ce million est arrivé là, il est intéressant de constater qu’autour de la garde pontificale et de la Loterie Romande se trouve un mélange influent de Valaisans et d’élus de l’ex-PDC. La Fondation pour la garde pontificale est présidée par l’ancienne conseillère fédérale Ruth Metzler-Arnold. On y trouve l’ancien conseiller aux États Filippo Lombardi, l’ancien secrétaire général du PDC, Raymond Loretan, ou l’ancien conseiller aux États fribourgeois, Urs Schwaller. L’ancien président de la BNS, le Valaisan Jean-Pierre Roth, préside la Fondation pour la caserne, où siège également la conseillère aux États, Isabelle Chassot (C/FR). À cela il faut encore ajouter un Comité de patronage pour trouver des fonds, présidé par l’ancienne conseillère fédérale Doris Leuthard.
Du côté de la Loterie Romande, c’est toujours l’ancien conseiller aux États Jean-René Fournier qui est à la tête du conseil d’administration, tandis que Christophe Darbellay préside la Conférence romande des membres de gouvernement concernés par les jeux d’argent. Une fois les acteurs posés, on comprend mieux comment le Valais a trouvé la solution de puiser dans le fond de la loterie pour étoffer son offrande à la caserne des gardes.
Une coterie de familles catholiques
Certes, le Conseil d’État valaisan a demandé un avis de droit, qui confirme la légalité de sa décision. Mais la valeur d’un avis de droit demandé par une partie prenante est toujours sujette à caution. En lisant le règlement de répartition de l’argent de la loterie, un autre juriste arriverait à la conclusion inverse. Le don à la caserne a bien un caractère confessionnel «prédominant» et ne pourrait être octroyé. En Valais, les gardes du pape ne concernent finalement qu’un nombre restreint de familles catholiques attachées à cette tradition. Si vote il devait y avoir, les autorités valaisannes auraient davantage à craindre d’un rejet populaire et anticlérical que de Dieu.