Quand les feux s’éteignent, les SDF font la circulation

Publié

Afrique du Sud«Sans nous, il y aurait un paquet d’accidents ici»

À Johannesburg, quand les feux rouges s’éteignent, des SDF font spontanément la circulation. Car l’Afrique du Sud est en proie à de fréquentes et longues coupures d’électricité.

À Johannesburg, quand l’électricité est coupée, les feux de circulation s’éteignent d’un coup. De jeunes hommes surgissent de nulle part, en gilet jaune, et s’invitent au milieu des plus gros carrefours, agitant les bras pour diriger la circulation. Cette scène n’est pas inhabituelle dans la plus grande agglomération sud-africaine, frappée depuis des mois par des délestages record, jusqu’à douze heures par jour. Parfois le feu rouge clignote, le plus souvent il est complètement éteint.

En contraste saisissant avec ce que l’extinction des feux de circulation occasionnerait dans d’autres grandes villes – invectives, insultes voire bagarres –, les automobilistes se plient le plus souvent de façon disciplinée à une loi non écrite, selon laquelle chaque côté du carrefour s’engage tour à tour. Mais à certains de ces nœuds routiers, qui ressemblent davantage à des autoroutes en pleine ville qu’à des avenues, la police est absente et les SDF ou mendiants prennent le pouvoir.

«On constate qu’un grand nombre de SDF se postent spontanément aux carrefours. Ils font un travail louable.»

Xolani Fihla, porte-parole de la police municipale de Johannesburg

«Sans nous, il y aurait un paquet d’accidents ici», fait valoir Aubrey Ndlovu, un Zimbabwéen de 31 ans, qui encourage avec de grands moulinets une voie à s’engager rapidement, bloquant la perpendiculaire d’une main dressée ferme.

Centrales en sous-régime

Dans cette banlieue aisée de Bryanston, les voitures klaxonnent à tout-va pour remercier, certains freinent dans le virage pour lâcher une pièce ou un billet de dix rands, avec le visage de Mandela d’un côté et un dessin de rhinocéros de l’autre, soit à peu près 50 centimes. «Nous n’avons pas de boulot, alors la petite monnaie nous aide à vivre», remarque Aubrey.

«Certains nous gueulent dessus. Et ça les agace qu’on dirige, qu’on les oblige à attendre les autres.»

Ben Dube, SDF

«Certains nous gueulent dessus», tempère son copain Ben Dube, 30 ans, porteur également d’un gilet jaune fluo. «Ils sont pressés. Et ça les agace qu’on dirige, qu’on les oblige à attendre les autres.» À la nuit tombée, les deux copains dorment sous un panneau publicitaire du quartier.

La crise énergétique se prolonge en Afrique du Sud. Les centrales à charbon vieillissantes de la compagnie publique hyperendettée Eskom, qui fournissent encore 80% de l’électricité du pays, tournent en sous-régime, tombent en panne.

«Ils prennent des risques!»

À Johannesburg, la police reconnaît n’avoir pas du tout les effectifs pour gérer la circulation quand les feux s’éteignent, par tronçons de plus de deux heures, plusieurs fois par jour. «On constate qu’un grand nombre de SDF» se postent spontanément aux carrefours. Ils font un «travail louable», reconnaît le porte-parole de la police municipale (JMPD), Xolani Fihla. Mais la ville n’est responsable d’aucun dégât, d’aucune blessure occasionnée lorsqu’ils opèrent, met-il en garde.

«C’est superutile ce qu’ils font», admet un automobiliste, Sphelele Mpukwana. «Mais ils prennent des risques!»

(AFP)

Ton opinion

1 commentaire