Commentaire - En Suisse, le revenu du capital reste une vache sacrée

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CommentaireEn Suisse, le revenu du capital reste une vache sacrée

Sèchement refusée, l’initiative 99% traitait d’un sujet sensible. Mais sa formulation était trop vague pour pouvoir en espérer quelque chose en termes de redistribution des richesses.

Eric Felley
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Eric Felley
L’initiative 99% était rédigée d’une manière trop imprécise pour convaincre de son utilité.

L’initiative 99% était rédigée d’une manière trop imprécise pour convaincre de son utilité.

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C’est une occasion manquée de corriger en Suisse l’augmentation des disparités de richesse, qui sont bien réelles entre les grands possédants et ceux qui ne possèdent rien. L’initiative 99%, refusée ce 26 septembre par plus des deux tiers du peuple suisse, était l’occasion de débattre de la question lancinante de la redistribution des richesses. La solution proposée était assez logique: prendre davantage dans la poche des très riches pour en faire bénéficier les collectivités publiques et étoffer les prestations sociales.

Défaut de maturité

Mais la logique s’arrête là. Le texte d’initiative était trop flou pour convaincre. Il s’en remettait finalement au Parlement pour décider des «modalités» d’application. Étant donné la composition des Chambres fédérales, même si la population suisse l’avait acceptée, cette initiative aurait pu être totalement amortie. La campagne s’est ainsi jouée sur des interprétations et sur le fait que l’initiative était estampillée «jeunes socialistes», un défaut de maturité irrémédiable pour une grande majorité du peuple. Comme ce fut déjà le cas pour l’initiative «1:12 Pour des salaires équitables», refusée par 65,3% des votants en 2013.

Un constat légitime au départ

Pourtant les initiants partaient du constat que 1% des personnes les plus riches en Suisse possédaient plus de 43% de la richesse totale. Dans leur argumentaire, ils précisaient que l’initiative visait les revenus du capital «soit les dividendes, les bénéfices sur les actions, les gains en capitaux et les intérêts». Pour les personnes qui avaient plus de 100 000 francs de revenus de ce type, l’imposition serait une fois et demie plus élevée. Mais ni le caractère des revenus, ni le chiffre ne figuraient précisément dans leur texte.

Ménager les riches

En face les arguments ont été de dire que 10% des plus riches de ce pays payaient déjà 80% des impôts ou que les PME et les exploitations agricoles verraient leur fiscalité alourdie. Demander un effort supplémentaire aux plus riches serait également suicidaire, car ils s’en iraient sous d’autres cieux dépenser leurs précieux revenus. Enfin, la Suisse en fait déjà bien assez dans la redistribution des richesses en comparaison internationale.

À vaincre sans péril…

Finalement, la droite de ce pays se félicite ce dimanche d’une éclatante victoire. Mais, à vaincre sans péril on triomphe sans gloire, dit le proverbe. D’autres dossiers fiscaux viendront sur la table, plus précis, plus élaborés, comme la suppression du droit de timbre. Une majorité de la population s’exprime volontiers contre une augmentation des impôts. Mais une autre majorité s’exprime volontiers aussi contre leur suppression, quand il s’agit de cadeaux fiscaux. À suivre donc.

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