JusticeL’opposant qui a inspiré le film «Hôtel Rwanda» libéré de prison
Condamné à 25 ans d’emprisonnement pour terrorisme, Paul Rusesabagina a vu sa peine commuée par le gouvernement rwandais et a été libéré vendredi.
Paul Rusesabagina, qui a inspiré le film «Hôtel Rwanda» et est un farouche opposant du président Paul Kagame, a été libéré vendredi après que le gouvernement a annoncé avoir commué sa peine de 25 ans pour «terrorisme». Paul Rusesabagina, qui possède la citoyenneté belge et réside de façon permanente aux États-Unis, a été remis à l’ambassadeur qatari avant son retour aux États-Unis, a annoncé un responsable américain.
Le président Joe Biden a remercié les gouvernements rwandais et qatari «pour avoir rendu ces retrouvailles possibles», faisant part de sa «joie». La Belgique a également salué «la décision du gouvernement rwandais d’accorder une remise de peine à Paul Rusesabagina». «Nous espérons qu’il retrouvera bientôt sa famille», a souligné dans un communiqué la ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahbib.
Réprobations
La condamnation de Paul Rusesabagina, datant de septembre 2021, avait suscité des réprobations internationales et de défenseurs des droits. «Paul Rusesabagina et (son co-accusé) Callixte Nsabimana ont eu leurs peines de prison commuées par ordre présidentiel, après examen de leurs requêtes de clémence», a déclaré à l’AFP la porte-parole du gouvernement rwandais Yolande Makolo.
Dix-huit autres personnes condamnées pour terrorisme ont aussi vu leurs peines commuées, a-t-elle ajouté. Selon une source gouvernementale qui a requis l’anonymat, les autres détenus devraient être remis en liberté samedi.
Yolande Makolo a précisé que le Rwanda «note le rôle constructif du gouvernement américain dans la mise en place de conditions pour le dialogue sur cette question, de même que la facilitation apportée par le Qatar». Mais elle a ajouté que «personne ne devrait se faire d’illusion sur ce que cela signifie, car il y a un consensus sur le fait que des crimes graves ont été commis, pour lesquels ils ont été condamnés».
939 jours de détention
Cette affaire a longtemps été source de contentieux entre Kigali et Washington. En mai 2022, Washington avait estimé que l’opposant était «injustement détenu» par la justice rwandaise et Paul Kagame avait rétorqué que les États-Unis ne pouvaient pas l’«intimider» pour le forcer à le libérer.
Cette décision «est le résultat d’un désir partagé de réinitialiser les relations États-Unis/Rwanda», a déclaré sur Twitter l’attachée de presse du président, Stéphanie Nyombayire. Selon un haut responsable américain sous le couvert de l’anonymat, la visite du secrétaire d’État Antony Blinken à Kigali en août «a joué un rôle clé dans la perspective d’une éventuelle libération de Paul».
Stéphanie Nyombayire a de son côté souligné que «les relations étroites entre le Rwanda et le Qatar ont été la clé». Les pourparlers sur une libération de l’opposant avaient débuté fin 2022 et une avancée s’est produite la semaine dernière lors de discussions entre le président Kagame et l’émir du Qatar, a indiqué une source proche du dossier.
L’annonce de Kigali intervient près de deux semaines après que le président Kagame avait indiqué, lors d’une visite au Qatar, que des «discussions» étaient en cours concernant l’emprisonnement de Paul Rusesabagina. Les soutiens de l’opposant estiment que son procès a été une imposture marquée par des irrégularités. Et sa famille avait alerté sur l’état de santé déclinant de l’homme de 68 ans. Paul Rusesabagina a été détenu pendant 939 jours, selon le site Free Rusesabagina (Libérez Rusesabagina).
Renommée hollywoodienne
Paul Rusesabagina a été rendu célèbre par le film «Hôtel Rwanda», sorti en 2004, qui raconte comment ce Hutu modéré qui dirigeait l’Hôtel des Mille Collines dans la capitale rwandaise a sauvé plus de 1000 personnes durant le génocide des Tutsi en 1994.
Opposant depuis plus de 20 ans à Paul Kagame, qu’il a accusé d’autoritarisme et d’alimenter un sentiment anti-Hutu, Paul Rusesabagina a utilisé sa renommée hollywoodienne pour donner un écho mondial à ses positions. Ses tirades contre Paul Kagame lui ont valu d’être traité comme un ennemi de l’État.
Les défenseurs des droits humains accusent le Rwanda – dirigé d’une main de fer par Paul Kagame depuis la fin du génocide de 1994 au cours duquel 800’000 personnes ont été tuées – de réprimer la liberté d’expression et l’opposition. Paul Rusesabagina vivait depuis 1996 en exil aux États-Unis et en Belgique, avant d’être arrêté à Kigali en 2020 dans des circonstances troubles, à la descente d’un avion qu’il pensait à destination du Burundi.
L’opposant a été jugé de février à juillet 2021 pour neuf chefs d’accusation, dont celui de «terrorisme», pour des attaques menées par le FLN, organisation classée terroriste par Kigali, qui ont fait neuf morts en 2018 et 2019. Paul Rusesabagina a admis avoir participé à la fondation en 2017 du Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), dont le FLN est considéré comme le bras armé, mais il a toujours nié toute implication dans les attaques.