BrésilUne opération policière dans une favela de Rio fait plus de 20 morts
Mardi matin, un quartier de la mégapole brésilienne a été le théâtre d’une descente de police meurtrière qui a coûté la vie à une vingtaine de personnes.
Au moins 22 personnes ont été tuées mardi lors d’une nouvelle opération policière sanglante dans une favela à Rio de Janeiro (Brésil), un an après le raid le plus meurtrier de l’histoire de la ville, qui avait déjà fait 28 morts.
À la mi-journée, le bilan provisoire de ce raid dans la favela de Vila Cruzeiro s’élevait à 11 morts, mais il a doublé en quelques heures, de nombreux cadavres ayant été transportés dans l’après-midi vers un hôpital tout proche. Les habitants eux-mêmes ont transporté les corps. Des images insoutenables d’un vidéaste de l’AFP montrent un pick-up chargé d’au moins quatre cadavres.
Selon la police, au moins 11 victimes étaient des «suspects» et une habitante de la favela a été atteinte par une balle perdue. «Encore un massacre. On ne peut pas banaliser ça, ce n’est pas possible que l’État entre dans une favela et laisse plus de 20 cadavres», a déclaré à l’AFP David Gomes Lobo dos Santos, habitant de Vila Cruzeiro âgé de 32 ans.
La police militaire, qui mène fréquemment ce genre d’opérations matinales dans les favelas de Rio contre les narcotrafiquants, assure avoir été accueillie par des tirs alors qu’elle commençait une opération destinée à «localiser et à capturer des criminels cachés» à Vila Cruzeiro.
«C’était une opération prévue depuis des semaines, mais nous avons identifié des déplacements de criminels pendant la nuit et nous avons décidé d’intervenir», a expliqué le colonel Luiz Henrique Marinho Pires, qui a précisé que les suspects s’apprêtaient à fuir vers une autre favela. Il a également révélé qu’un hélicoptère utilisé par les policiers lors de l’opération avait été atteint par plusieurs balles.
Aucune arrestation
L’opération, qui a débuté vers 4 heures du matin (9 heures, en Suisse) visait particulièrement le Comando Vermelho (Commando rouge), une des principales factions criminelles du Brésil «responsable de plus de 80% des fusillades à Rio», a déclaré un porte-parole de la police à TV Globo.
Treize fusils d’assaut, quatre pistolets, vingt motos et dix voitures ont été saisis lors de l’opération, mais la police n’a pas fait état de la moindre arrestation. La fusillade la plus intense a eu lieu à l’aube dans la partie haute de la favela, au sommet d’une colline où la forêt tropicale est barrée d’un chemin de terre. Certains suspects auraient été abattus dans la forêt, ce qui expliquerait qu’un grand nombre de corps ont été retrouvés plus tard dans la journée.
Vila Cruzeiro, favela située non loin de l’aéroport international de Rio, avait déjà été le théâtre d’un autre affrontement violent en février, quand huit personnes avaient été tuées par les forces de l’ordre. En mai 2021, une opération policière dans la favela de Jacarezinho, à environ 10 km de Vila Cruzeiro, avait fait 28 morts, dont un policier, le bilan le plus lourd de l’histoire de la ville.
Pas de caméras sur les uniformes
«Encore un massacre. Les écoles fermées, des milliers de personnes terrorisées. C’est la faillite de tous les plans de réduction de la violence policière, la politique d’extermination suit son cours à Rio», a tweeté le conseiller municipal de gauche Tarcisio Motta.
Lors de ces opérations musclées de la police militaire de Rio, des habitants et militants associatifs dénoncent souvent des bavures ou des exécutions extrajudiciaires de suspects, des exactions la plupart du temps impunies.
«Ces opérations dans les favelas mettent en péril toute la population et empêchent le fonctionnement des services publics. Nous savons qu’elles ne seraient jamais tolérées dans des quartiers chics», explique à l’AFP Guilherme Pimentel, auditeur de la Défense publique, qui fournit une assistance juridique aux plus démunis.
La police brésilienne est une de celles qui tuent le plus au monde, avec plus de 6100 morts en 2021, soit 17 par jour en moyenne. Les policiers de Rio étaient censés porter des caméras-piétons sur leurs uniformes à partir de ce mois de mai, mais l’utilisation de ce matériel a été reportée en raison de retards de livraison, selon la presse locale.
Au-delà de l’utilisation des caméras, les experts en sécurité préconisent l’abandon de la logique de confrontation permanente dans la lutte contre le trafic de drogue, pour s’attaquer plutôt aux ressources financières des factions criminelles.