Les deux victimes du chauffard français étaient genevoises

«Une affaire dramatique». Olivier Etienne, procureur de Bordeaux, n’a pas d’autres mots pour qualifier l’effroyable accident qui est survenu lundi 14 août à 19h45 sur la D6 reliant Bordeaux à Lacanau Océan. Les deux jeunes passagères avant et arrière (dr.) n’ont eu aucune chance de s’en sortir au moment de l’impact quasi frontal à la hauteur de la commune de Sainte-Hélène (Gironde). «Le conducteur de la Citroën C5 roulait tellement sur la voie de gauche qu’il empiétait sur la bande d’arrêt d’urgence de gauche. Les deux voitures se sont du reste percutées sur les flancs droits, explique le magistrat français. Sur place, il aurait confié aux gendarmes qu’il était sous l’emprise de l’alcool et de produits stupéfiants.»

La troisième jeune de 21 ans, qui était au volant de la VW immatriculée à Genève, en a réchappé miraculeusement. «Mardi soir, la conductrice était toujours dans une situation inquiétante après son opération au CHU de Bordeaux, elle est française et domiciliée à Chêne-Bougeries (GE). Les deux victimes étaient suisses et venaient de Genève. L’une était étudiante en joaillerie à Paris, l’autre à Genève, confirme notre interlocuteur, Les familles arrivent aujourd’hui à Bordeaux. Leurs filles sont nées toutes les trois en 2002.» S’agissant du chauffard: «Il souffre d’une luxation à la hanche. Il est toujours hospitalisé. Il n’est pas placé en garde à vue. Il n’a pas encore pu être entendu. Des mesures ont été prises pour éviter tout risque de fuite.»

Ce mercredi, la justice devrait décider de la suite de la procédure et de ce qui attend l’auteur de ce double homicide qui encourt jusqu’à 10 ans d’emprisonnement, compte tenu des circonstances aggravantes. «Une comparution immédiate n’est pas adaptée, les familles ont besoin de temps. Nous allons donc l’éviter. Dès lors, soit il fera l’objet d’une comparution à délai différé (ndlr. dans un délai maximum de deux mois); soit une information judiciaire sera ouverte à son encontre et un juge d’instruction sera saisi avec mise en examen», explique Olivier Etienne. Cet homme de 26 ans est ainsi susceptible de répondre d’homicide involontaire aggravé et ce, à plusieurs titres.

«L’automobiliste français avait acheté sa C5 il y a un mois, indique aussi le magistrat de Bordeaux. Il roulait sans permis de conduire et sans assurance. L’analyse judiciaire des prélèvements sanguins a, en outre, fait ressortir une alcoolémie supérieure au double du maximum légal, ainsi que la présence de cannabis et de cocaïne.» Ajouter à cela, le délit de chauffard, les blessures involontaires (ndlr. pour la conductrice), les refus d’obtempérer… Et ses antécédents d’infractions routières. «Il a été condamné une première fois par ordonnance pénale en décembre 2019 à 600 euros d’amende; une seconde fois fin août 2022 à 5 mois avec sursis, à 300 euros d’amende et à une interdiction de passer son permis dans les 5 mois», précise l’homme de loi.

Ce que l’on ne savait pas, c’est que ce conducteur avait eu un premier accident peu avant celui de Sainte-Hélène qui a tué les deux Genevoises. «Seul en cause, il a terminé sa course dans un fossé à Lacanau et appelé un garagiste pour le tirer d’affaire. En revenant sur les lieux chercher sa compagne, des militaires de la gendarmerie sont sur place, le voient passer et supputent alcool et stupéfiants, révèle le procureur Olivier Etienne, Un gendarme lui fait signe de s’arrêter sur le côté. Il ne s’agit pas encore d’un refus d’obtempérer. Le conducteur de la C5 poursuit sa route pour éviter d’être contrôlé.» Ce sera le début de la course-poursuite qui amènera à la tragédie du 14 août au soir.

Le magistrat de détailler ce triste épilogue: «Les gendarmes le prennent en chasse, gyrophares et deux-tons (ndlr. sirène) enclenchés. Grâce à des raccourcis, ils parviennent à le rattraper. Le chauffard roule à vive allure et fréquemment sur la voie de gauche. Arrivés à sa hauteur sur la voie de droite, ils lui demandent de s’arrêter, le dépassent pour l’obliger à ralentir, déploient un stop stick (ndlr. herse censée crever les pneus) qui n’aura aucun effet. L’automobiliste les frôle et les double à une vitesse estimée entre 130 et 140 km/h alors que le tronçon est limité à 80 km/h. Les forces de l’ordre gardent une distance de sécurité tout en étant en contact avec la centrale. À Sainte-Hélène, dans une légère courbe à droite, l’homme roule toujours à gauche. La VW arrive en face.» Et l’inéluctable se produit.

Les trois jeunes vacancières se trouvaient à une vingtaine de kilomètres de leur destination. Elles se rendaient à Lacanau Océan où se déroule durant toute cette semaine «Le Lacanau Pro», une compétition internationale de surf.