BerneLa règle du «Non c’est non» l’emporte pour définir le viol
Le Conseil des États a suivi sa commission et approuvé la variante du refus. Une minorité de gauche aurait voulu la variante du consentement, dite «Seul un oui est un oui».
![Christine Talos](https://media.lematin.ch/4/image/2023/10/25/b90562b8-60f7-489e-9b13-f3fb7dba0be9.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=crop&w=400&h=400&rect=0%2C0%2C1639%2C2048&fp-x=0.48688224527150703&fp-y=0.3447265625&crop=focalpoint&s=dc784a6cc1be1f40b2f04ab98e9ff953)
![Le Conseil des États a approuvé par 25 voix contre 18 le projet de leur commission qui souhaitait la variante du «Non c’est non». (Photo d’illustration) Le Conseil des États a approuvé par 25 voix contre 18 le projet de leur commission qui souhaitait la variante du «Non c’est non». (Photo d’illustration)](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/08/e3faf7d2-0842-4739-a9be-1170268ccd49.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C7%2C1134%2C760&fp-x=0.5&fp-y=0.5004686035613871&s=912c154b2807ac38ada1332403c2850e)
Le Conseil des États a approuvé par 25 voix contre 18 le projet de leur commission qui souhaitait la variante du «Non c’est non». (Photo d’illustration)
FEM/Roy Morsch/CorbisLes sénateurs empoignaient ce mardi la redéfinition pénale du viol. Sans surprise, ils ont suivi par 25 voix contre 18 le projet de leur commission qui souhaitait la variante du «Non c’est non». Avec ce modèle, tant que la victime ne dit pas non, la justice considérera qu’il n’y a pas eu viol.
«La majorité estime que la solution du «Non, c’est non» s’intègre mieux dans le dispositif légal en vigueur et s’appuie sur une approche conforme à la réalité des rapports sexuels», a relevé Carlo Sommaruga (PS/GE) au nom de la commission.
Cas de sidération
Les organisations féministes, soutenues notamment par la gauche, plébiscitaient, elles, la variante du «Seul un oui est un oui». Celle-ci exige le consentement explicite ou implicite du ou de la partenaire pour toute relation sexuelle. Ses partisans craignaient en effet que la variante du refus ne tienne pas suffisamment compte des cas de sidération, soit lorsque la victime, tétanisée, n’arrive pas à dire non à son agresseur. Or, selon une étude suédoise, 70% des victimes sexuelles ont subi des viols en état de sidération.
Pour rappel, actuellement seule la pénétration non consentie d’une femme par un homme est considérée comme un viol. En outre, la loi précise qu’il doit y avoir eu contrainte. Avec le projet de révision, toute pénétration non consentie (orale, vaginale ou anale) pourra être considérée comme un viol. Un homme pourra ainsi également être reconnu victime de viol. La notion de contrainte sera abandonnée. Par ailleurs, une personne qui oblige une autre à violer quelqu’un sera également considérée comme une violeuse. Si tout le monde était d’accord sur le besoin de révision, les moyens d’y arriver divisaient.
«Que risque-t-on?»
Lisa Mazzone (Verts/GE) s’est fendue en vain d’un long plaidoyer en faveur du «Seul un oui est un oui». Et de citer deux cas de femmes ayant subi des attouchements sans leur consentement et qui n’ont pas osé broncher. «Est-ce que ces comportements sont considérés aujourd’hui comme du viol ou de la contrainte sexuelle? Non. Est-ce qu’ils seront considérés ainsi avec le «Non c’est non»? Non. Or ces comportements ne sont pas tolérables et violent l’autodétermination sexuelle», a-t-elle lancé. Que risque-t-on avec cette variante? «Qu’elle ait peu d’effets, a souligné en outre la Genevoise. Cela vaut donc la peine qu’en tant que société l’on mette le curseur au bon endroit.»
«Criminalisation de la sexualité»
«La variante du «Oui c’est oui» suscite de fausses attentes et obscurcit la vision des choses sur l’essentiel, à savoir le respect des principes du droit pénal et le non-renversement du fardeau de la preuve», a répliqué Beat Rieder (C/VS). Et de critiquer en outre ce modèle qui part du principe que les actes sexuels sont punissables, sauf si l’on a le consentement de l’autre. «Il s’agit d’une criminalisation de la sexualité», a-t-il estimé.
Le Conseil fédéral soutenait la version de la commission. Mais la ministre de la Justice Karin Keller-Sutter l’a bien précisé: «Cette révision est un pas important, mais quel que soit le modèle choisi, il n’éliminera pas les difficultés d’obtenir une preuve.» Car les délits sexuels sont souvent commis entre quatre yeux par des agresseurs connus des victimes, a-t-elle expliqué.
Des peines de prison
À noter encore que la réforme introduit une gradation des infractions: sans contrainte, avec contrainte et avec cruauté ou en utilisant des armes dangereuses. Les peines augmenteraient avec la gravité de l’infraction. Pour un viol sans contrainte, la peine pourra aller jusqu’à 5 ans de prison. Un viol avec contrainte serait puni de 2 à 10 ans de prison, ont décidé de justesse les sénateurs. Un viol avec cruauté serait, lui, sanctionné d’au moins 3 ans de prison.
Le projet sur la table prévoit encore plusieurs modifications qui n’ont pas eu le temps d’être discutées. Le débat se poursuivra lundi prochain. Le National doit encore se prononcer.
Les femmes socialistes déçues
«Le Conseil des États a manqué une occasion historique en ce qui concerne le droit pénal en matière sexuelle: au lieu de se prononcer en faveur d’une solution de consentement selon le principe «Seul un oui est un oui» pour la nouvelle définition du viol, il soutient le principe «Un non est un non», ont critiqué aussitôt les femmes socialistes dans un communiqué. Elles se disent déçues de cette décision, car une solution du type «Un non est un non» ne protège pas efficacement le droit à l’autodétermination sexuelle. Elles appellent donc le Conseil national à corriger la décision du Conseil des États.