Crise économiqueL’UE connaît une croissance surprise avant une probable entrée en récession
Plusieurs pays européens, Allemagne en tête, ont publié vendredi un PIB en hausse, porté par la consommation privée et le tourisme. Mais cette embellie ne devrait être que passagère.
La croissance européenne semble avoir mieux résisté que prévu au cours de l’été à la crise de l’énergie et la guerre en Ukraine, selon plusieurs chiffres publiés vendredi, même si les risques de récession restent importants. En France et en Espagne, le produit intérieur brut (PIB) a progressé de 0,2%. Mais la grosse surprise du jour est venue d’Allemagne, où le gouvernement s’attendait à un recul du PIB: l’activité de la première économie européenne a, en fait, progressé de 0,3%. Un chiffre inattendu alors que le pays est l’un des plus touchés par la crise énergétique et l’inflation.
Cette dynamique survient alors que l’ensemble des pays européens sont confrontés à des difficultés économiques liées notamment à la guerre en Ukraine. La hausse des prix a atteint un niveau record de 9,9% sur un an en septembre en zone euro, selon la BCE. Cette situation plombe l’industrie, secteur très gourmand en énergie. En Allemagne, premier pays industriel européen, la production a ainsi chuté en août, de 0,8% sur un mois, après avoir stagné en juillet.
La consommation privée a permis de limiter la casse
Alors, comment expliquer ces résultats meilleurs que prévu? L’effet post-Covid, qui a entraîné des dépenses exceptionnelles dès le printemps, semble avoir poussé ses derniers feux cet été, en pleine période de vacances. En Allemagne, c’est ainsi «la consommation privée» qui a permis de limiter la casse, malgré l’inflation qui atteignait 10% sur un an en septembre, selon l’Institut national de statistique (Destatis).
Berlin soutient du reste massivement la demande. Le gouvernement a débloqué, ces derniers mois, plusieurs dizaines de milliards d’euros pour soulager les ménages face à la hausse des prix, via des chèques. Du côté de l’Espagne, la «forte saison touristique» a également permis d’éviter la récession, selon la banque ING.
Impact de la hausse des taux d’intérêt de la BCE
Mais cette résilience pourrait être de courte durée. Avec des prix qui s’apprécient à une vitesse inédite depuis le milieu des années 1980, désormais, les ménages français «sentent durement la baisse de leur pouvoir d’achat», affirme Maxime Darmet, expert pour Allianz. En outre, la hausse des taux d’intérêt en zone euro «a un impact croissant sur l’économie», abonde Fritzi Köhler-Geib, présidente de la banque publique d’investissement en Allemagne.
La BCE a relevé, pour la deuxième fois consécutive, ses taux d’une ampleur inédite de 0,75 point jeudi pour lutter contre l’inflation. La présidente de l’institution, Christine Lagarde, a prévenu à cette occasion que la «probabilité d’une récession se profile beaucoup plus à l’horizon» en zone euro. La BCE prévoit une croissance de seulement 0,9% l’an prochain, mais un scénario pessimiste table sur une récession de 1%.
Scénario inchangé
En Allemagne, «la croissance surprise du troisième trimestre ne signifie pas que le scénario de la récession a changé», affirme Carsten Brzeski, analyste pour ING. Le gouvernement allemand table d’ailleurs sur une chute de 0,4% du PIB l’an prochain. L’activité économique espagnole devrait de son côté «se contracter au quatrième trimestre», plombée par l’industrie manufacturière, selon ING.
Sur le long terme, de plus en plus d’industries réévaluent leur présence sur le continent. Le leader de la chimie BASF va ainsi réduire de «manière permanente» la voilure en Europe, a prévenu son PDG. Le sidérurgiste Arcelor Mittal a fermé partiellement plusieurs de ses usines en Europe, et mis en chômage partiel la plupart de ses salariés sur le continent.