SciencesLa vente d’un T-Rex en Suisse indigne des spécialistes
Pour de nombreux paléontologues, la place des squelettes de dinosaures rares est dans un musée.
- par
- R.M.
Les ventes aux enchères de squelettes de dinosaures fâchent régulièrement les spécialistes. Alors lorsqu’une vente décrite comme exceptionnelle est annoncée en Suisse, ils montent au créneau. Pour la première fois en Europe, un T-Rex sera en effet vendu le 18 avril à Zurich. Avec, pour des experts, une forte probabilité que ce squelette nommé Trinity ne puisse plus être étudié.
«La vente aux enchères de Trinity n’est que la pointe d’un iceberg très laid et tentaculaire. Tous ceux qui s’intéressent au monde naturel perdent, des écoliers aux scientifiques», a pesté dans «The Times» le Dr Thomas Carr, du Carthage College, dans le Wisconsin. Par le passé, ce paléontologue spécialiste des tyrannosaures avait déjà taxé ce genre de ventes d’«incontestablement nuisibles pour la science».
3,9 mètres de haut, 11,6 mètres de long, Trinity a vécu il y a 67 millions d’années. Montant pour se l’adjuger: entre 6 et 8 millions de francs, selon la maison Koller, qui organise la vente.
«Inspirer les enfants»
Avec ce prix, le squelette est hors de portée de la plupart des musées et risque de «disparaître» dans une collection privée d’un acheteur fortuné, craignent beaucoup d’experts. Il ne pourrait alors plus être étudié.
«Ces fossiles sont rares et scientifiquement importants, et je pense qu’ils devraient appartenir à un musée, où ils peuvent être conservés en sécurité, étudiés par des scientifiques et inspirer les enfants comme le public de tout âge», a tranché dans «The Independent» le professeur Steve Brusatte, de l’Université d’Édimbourg.
La maison Koller avait anticipé ces critiques: dans le catalogue de la vente on trouve un chapitre sur le débat «Science versus collectionneurs privés». En charge du futur musée d’histoire naturelle de Zurich, le Dr Dennis Hansen y plaide qu’il faudrait comparer le marché des dinosaures à celui de l’art.
Deux précédents
«Les historiens de l’art aimeraient également que chaque tableau important soit dans le domaine public. Mais l’expérience nous a montré que tôt ou tard cela arrive de toute façon. Il y a assez de dinosaures pour tout le monde», estime-t-il. Et d’ajouter: «Beaucoup de grands musées publics d’aujourd’hui dans les grandes villes ont été créés par des collectionneurs privés, ou leurs collections ont été constituées autour de collections privées.»
Chacun se forgera son opinion. Précisons encore que le T-Rex qui sera proposé à la vente appartient actuellement à un collectionneur privé, même si on ne connaît pas son identité.
Deux autres squelettes de tyrannosaures ont été mis aux enchères dans le monde par le passé. La première, prénommée Sue, a été vendue 8,4 millions de dollars en 1997. Le second, Stan, a atteint le montant record de 31,8 millions de dollars en 2020.