FootballDécryptage: à Servette, l’abus du jeu long peut être dangereux
Contre le Slavia Prague (0-2), les Grenat ont eu beaucoup de peine à résister à l’impact physique des Tchèques. Ce qui a mis également en exergue le manque de solutions offensives.
- par
- Valentin Schnorhk
C’est une donnée statistique qui vaut ce qu’elle vaut, mais elle décrit à la fois une tendance ainsi qu’une dynamique de match: jeudi soir, contre le Slavia Prague, le gardien de Servette Jérémy Frick a opté à vingt reprises pour du jeu long. Ce n’est pas dans ses habitudes: cela faisait plus de cinq ans que ça ne lui était pas arrivé. Ce qui l’explique? Des Tchèques très pressants et, tout de même, une intention de jeu qui suggère d’opter pour une telle filière.
Est-ce problématique? Dans ce domaine, Frick est plutôt bon. Il parvient à trouver régulièrement une déviation, en l’occurrence souvent Miroslav Stevanovic. Le Bosnien a été visé dix fois par son gardien lors de ce premier match d’e Ligue Europa. Sauf qu’il faut se rendre à l’évidence: cela n’a pas permis à Servette de se montrer menaçant.
«Nous avons perdu beaucoup de duels et de deuxièmes ballons, ce qui nous a menés à nous créer très peu d’occasions, constatait l’entraîneur René Weiler en conférence de presse jeudi soir. Et cela t’amène à souvent courir après le ballon, à perdre beaucoup d’énergie. Nous n’avons pas très bien joué, nous avons payé le prix du jeu physique.» Parce que dans ce secteur-là, le Slavia Prague s’est montré intraitable. Le défenseur central nigérian Igoh Ogbu a ainsi remporté les trois quarts des duels aériens qu’il a eus à jouer.
L’exemple du 0-1
À l’analyse, le problème n’a pas été qu’offensif pour les Grenat. L’option tactique s’est retournée contre eux, à l’image du premier but inscrit par les Tchèques. Il faut refaire l’action (voir ci-dessous): dans un premier temps, Frick a opté pour un jeu mi-long, en cherchant Bradley Mazikou côté gauche. Mais sans solution pour avancer, le ballon est revenu jusqu’au gardien genevois, contraint par le pressing adverse d’allonger le jeu. Cette fois-ci, Dereck Kutesa n’a pas pu remporter son duel et la transition s’est faite de manière très directe côté tchèque, jusqu’au but de Masopust.
Jérémy Frick aurait-il pu faire autrement? Non. Du moins au moment où il a décidé d’allonger vers Kutesa. Le pressing tchèque se faisait intense, et aucun de ses coéquipiers n’avait pour intention de lui donner une option, et de supporter le risque qui était encouru. Comme si le jeu long était de toute façon accepté.
Quelle autre solution?
Et au départ de l’action? Cela peut se discuter. Il aurait pu jouer avec un de ses défenseurs centraux, bien sûr. Cela aurait sûrement également attiré le pressing aussi, mais cela ne veut pas forcément dire qu’il n’y avait pas possibilité de l’éliminer, ou de le sauter en ne jouant pas long. Mais cela doit partir d’une volonté. Et en ne demandant pas forcément le ballon, en ne sollicitant pas du monde (les latéraux, les milieux de terrain) pour tenter de construire depuis l’arrière, Frick n’avait pas pour incitation de repartir court.
Si le portier de 30 ans a joué avec Mazikou, c’est parce qu’il était celui qui semblait libre. Mais dur d’y lire un projet pensé en amont: le manque de soutien dont bénéficiait le latéral gauche le mettait plus dans l’embarras qu’autre chose. En fait, il fallait y lire un signal pour le bloc tchèque: cette passe-là déclenchait le pressing. Et puisque Servette n’était pas prêt à l’accepter, il n’avait autre choix que de finir par jouer long.
Tout cela est un cercle vicieux: l’agressivité des Tchèques était donc trop forte pour s’engager dans cette filière. Et puisque Servette n’a pas forcément d’autre option avec ballon pour l’instant, le pressing tchèque a mis en exergue ses carences. Le jeu vertical et long n’est pas obligatoirement plus protecteur que le jeu court sous pression. À méditer avant de se déplacer à Lucerne dimanche (16h30).