US OpenUne ex-prodige du tennis suisse a fait sensation au 1er tour
L’Espagnole Rebeka Masarova, née à Bâle et qui a défendu les couleurs de la Suisse jusqu’en 2018, a éliminé la No 8 mondiale Maria Sakkari au 1er tour. Gros plan.
- par
- Brice Cheneval
Belinda Bencic n’est pas tout à fait la seule Suissesse engagée dans le tableau principal de l’US Open. La Saint-Galloise, qualifiée sans trembler pour le 2e tour après son succès face à la Russe Kamilla Rakhimova ce lundi, est accompagnée d’une certaine Rebeka Masarova. Si la joueuse de 24 ans - 71e au classement WTA - concourt sous le drapeau espagnol, elle possède également un passeport suisse.
Née à Bâle le 6 août 1999 d’une mère espagnole et d’un père slovaque, Masarova a même défendu les couleurs helvétiques jusqu’en janvier 2018. Lundi, elle a signé la plus belle victoire de sa jeune carrière en éliminant la Grecque Maria Sakkari, 8e de la hiérarchie mondiale, au 1er tour (6-4 6-4). L’occasion de revenir, en cinq épisodes, sur la trajectoire atypique de celle qui était un temps considérée comme l’un des talents les plus prometteurs du tennis suisse.
Lauréate de Roland-Garros Juniors
En juin 2016, la presse helvétique ne tarit pas d’éloges sur Rebeka Masarova. Cette dernière, âgée de 16 ans, vient de s’imposer à Roland-Garros dans la catégorie juniors en battant en finale l’Américaine Amanda Anisimova (7-5 7-5). Elle est la troisième Suissesse de l’histoire à obtenir cet honneur après Martina Hingis en 1993 et 1994, ainsi que Belinda Bencic en 2013. 805e au classement mondial à cette époque, elle incarne alors la relève du tennis suisse. «Remporter le titre était mon objectif en arrivant ici», pose-t-elle en conférence de presse, affichant déjà une ambition débordante.
La même année, Masarova fait sensation chez les grandes. Pour sa première apparition sur le circuit principal, elle atteint les demi-finales du tournoi WTA 250 de Gstaad. Tombeuse de la Serbe Jelena Jankovic (27e), de l’Estonienne Anett Kontaveit (92e) puis de l’Allemande Annika Beck (38e), elle est seulement stoppée par sa compatriote Viktorija Golubic (105e).
Proche de la mort lors d’un accident de voiture
Selon ses propres mots, Rebeka Masarova a vécu «un miracle» le 26 septembre 2016. Ce jour-là, la Bâloise se rend à Clermont-Ferrand pour disputer un tournoi ITF 25'000, accompagnée de sa mère et de son frère. À 100 km de l’arrivée, le van dans lequel se trouve la famille effectue une violente sortie de route. «Cela aurait pu être notre dernier jour», indique-t-elle sur sa page Facebook, expliquant les circonstances de l’accident: «Le car a fait trois ou quatre tonneaux avant de s’arrêter sur le toit. J’ai décroché ma ceinture et j'ai eu de la chance de voir que la fenêtre près de laquelle j'étais assise était cassée, j'ai donc pu sortir facilement. [...] On ne pouvait pas croire que tout était cassé en mille morceaux et que nous, nous nous en tirions avec une ou deux égratignures chacun.»
Malgré cet épisode traumatisant, Masarova corrige la Française Amandine Cazeaux au 1er tour (6-1 6-2), signe d’une force mentale à toute épreuve.
Tancée pour sa préférence envers l’Espagne
En janvier 2018, Rebeka Masarova choisit de représenter l’Espagne en compétition. En Suisse, où elle suscitait de grands espoirs, la décision passe mal. Swiss Tennis entreprend des démarches judiciaires afin d’être dédommagé financièrement. Interrogées sur le sujet en marge de l’Open d’Australie, Belinda Bencic et Viktorija Golubic ne cachent pas leur amertume. «J'ai été extrêmement surprise, avoue la première nommée. Je ne peux pas vraiment comprendre ce choix, mais je ne connais pas tous les tenants et aboutissants.» La Zurichoise se montre plus virulente: «J’ai été choquée, ce fut une surprise totale pour moi. Je ne suis évidemment pas contente de ce choix, mais je souhaite le meilleur à Rebeka.»
Dans un entretien accordé quelques mois plus tard à l’Aargauer Zeitung, la jeune femme revient sur la polémique provoquée par sa volte-face. «Swiss Tennis a toujours été conscient que j'avais deux foyers et que je pouvais théoriquement changer de pays à tout moment, dit-elle. Bien sûr, j'aime la Suisse, mais je me sens plutôt Espagnole et on ne choisit pas ce que l'on ressent.» Entretemps, les deux clans ont trouvé un accord financier et les tensions semblent s’être apaisées.
Aide-soignante de fortune durant la pandémie de Covid-19
Au printemps 2020, le monde du sport est à l’arrêt en raison de la pandémie de Covid-19. Désireuse de se rendre utile durant cette période d'inactivité, Rebeka Masarova postule pour différents emplois. Issue d’une famille à vocation médicale (son père est médecin, sa mère infirmière et sa sœur a mené des études de médecine), elle propose son aide à une clinique de neuroréhabilitation en Suisse, où elle réside pendant le confinement. «Je n'ai pas de diplôme d'infirmière, alors j'ai demandé si je pouvais aider les infirmières ou autre», raconte-t-elle à El Correo. L’établissement accepte ses services.
Sollicitée trois fois par semaine, la tenniswoman «traite des patients qui ont besoin de soins particuliers, conte-t-elle. Certains peuvent marcher, d’autres non. Je les aide à manger, à sortir du lit, à monter dans le fauteuil roulant, à aller avec la chaise aux toilettes, je mesure leur température, je vérifie ce dont ils ont besoin…»
De cette parenthèse, elle retire une «expérience enrichissante». «J’aime être là et pouvoir rencontrer de nouvelles personnes, au lieu de me contenter de jouer au tennis, au tennis et encore au tennis», développe-t-elle encore auprès d’El Correo.
Coéquipière éphémère de Carlos Alcaraz
Rebeka Masarova a récemment eu le privilège d’évoluer au côté du No 1 mondial, Carlos Alcaraz, le temps de deux jours. C’était lors de la Hopman Cup, un mini-tournoi mixte mettant aux prises plusieurs nations et dont l’édition 2023 était organisée en juillet à Nice. Le prodige espagnol devait initialement représenter son pays avec Paula Badosa, mais cette dernière a déclaré forfait en raison d’une blessure.
Appelée pour la remplacer, Masarova s’est montrée moins à son aise que son glorieux compatriote, vainqueur de ses deux oppositions en simple. À l’inverse, l’Hispano-Suissesse s’est inclinée à deux reprises contre la Belge Elise Mertens (WTA 30) et la Croate Donna Vekic (WTA 22). En double, les deux coéquipiers n’ont pas réussi à l’emporter, que ce soit contre les Belges Mertens et Goffin (3-6 1-6) ou les Croates Vekic et Boric (6-1 4-6 12-14). À la clé, une élimination dès le 1er tour de la compétition, pendant que la Suisse – représentée par la Schwytzoise Céline Naef et le Thurgovien Leandro Riedi – se hissait en finale, battue par la Croatie (0-2).
Si sa collaboration avec Alcaraz n’a pas fait d’étincelles, Masarova a certainement dû apprécier l’instant.