AlimentationAu Royaume-Uni, l’English breakfast est victime d’une pénurie d’œufs
Œuf au plat, bacon, deux saucisses et des haricots blancs en sauce tomate: le traditionnel déjeuner anglais est en péril. Il y a moins d’œufs et ils coûtent cher, à cause aussi de la grippe aviaire.
Dans le café de Gursel Kirik, les clients avalent en vitesse leur English breakfast avant de filer au travail. Mais si les commandes s’enchaînent, le gérant ne cache pas son inquiétude: entre inflation et pénurie d’œufs, le traditionnel déjeuner coûte de plus en plus cher à préparer. Un œuf sur le plat, quelques tranches de bacon, deux saucisses et des haricots blancs en sauce tomate, accompagnés d’épaisses tranches de pain grillé: le Gate Grill Cafe, au cœur de Londres, sert l’incontournable repas pour seulement six livres (6,80 francs), avec en bonus une forte odeur de friture qui vous suit pour le reste de la journée.
Mais l’assiette, prisée des touristes comme des Britanniques, a vu son prix de production s’envoler, dans un pays où l’inflation dépasse les 11 pour cent. «Tout augmente», dit Gursel Kirik en servant des ouvriers installés autour d’une table en formica. «Les factures d’énergie, les produits qu’on achète… Toutes les semaines, on a quelque chose de nouveau.»
De 20 à 68 livres la boîte de 360 œufs
Ces dernières semaines, les œufs sont devenus hors de prix, conséquence d’une épidémie locale de grippe aviaire qui s’est ajoutée aux difficultés des éleveurs, déjà touchés par la hausse des prix du blé et de l’énergie depuis la guerre en Ukraine. Certains supermarchés comme Lidl ou Asda anticipent une pénurie en rationnant les achats à deux boîtes par client. La chaîne de pubs JD Wetherspoon a modifié son menu, remplaçant par endroits les œufs par des galettes de pommes de terre.
«La boîte de 360 œufs coûte 68 livres, contre 20 il y a trois mois. On va devoir finir par changer nos prix, mais on sait que les gens sont aussi en difficulté. Donc qui va acheter chez nous, si ça devient trop cher?» se demande Gursel Kirik (51 ans) en montrant son menu «imprimé en janvier», et inchangé depuis, malgré l’inflation.
Petits prix pour petits salaires, mais jusqu’à quand?
La capitale britannique regorge de petites enseignes comme la sienne, servant à toute heure English breakfasts, omelettes et sandwiches au bacon. Surnommés «greasy spoons» (cuillères graisseuses), ces cafés à la clientèle très masculine sont particulièrement appréciés des ouvriers, qui viennent s’y rassasier à petit prix.
«Tous les jours pendant ma pause je viens prendre un déjeuner anglais», raconte Daniel Saunders, 48 ans, qui fume une cigarette à l’extérieur du café. «Quand vous travaillez dans le bâtiment comme moi, vous êtes toujours dehors. Il fait froid, il pleut, il y a du vent… La seule chose dont j’ai envie, c’est quelque chose de chaud, qui me remplisse le ventre.»
Londres tente de minimiser la pénurie
«Avant, c’était vraiment pas cher», se souvient Daniel Saunders, chaussures de chantier aux pieds et gilet jaune de sécurité sur les épaules. «Mais tout augmente en ce moment, et je n’ai pas vraiment le choix: il faut bien manger», ajoute-t-il, craignant quand même que les œufs – denrée «moins chère que la viande» quand on a «deux grands ados à nourrir» – viennent à manquer.
La ministre de l’Environnement et de l’Alimentation, Therese Coffey, a tenté de minimiser la pénurie, soulignant, jeudi, qu’il y avait encore «14 millions de poules pondeuses disponibles» dans le pays. Mais l’offre chute depuis le début du mois et le confinement en intérieur des volailles britanniques.