ClimatLe réchauffement «souffle» des vagues de froid aux États-Unis
Une étude publiée jeudi a montré un lien entre les changements provoqués par le réchauffement climatique dans l’Arctique et des vagues de froid hivernal dans l’hémisphère Nord.
En février, une rare vague de froid polaire a balayé le Texas, causant des dizaines de morts et des coupures d’électricité massives durant des jours. Cet épisode climatique extrême a par ailleurs provoqué des dommages record, estimés à quelque 200 millions de dollars.
S’il est désormais établi que le réchauffement climatique entraîne de redoutables vagues de chaleur, la question de son influence sur de telles ondes de froid fait toujours l’objet d’intenses discussions scientifiques.
«Très contre-intuitif»
Pour la première fois, une grande étude publiée jeudi dans la revue «Science» a réussi à montrer un lien entre les changements provoqués par le réchauffement climatique dans l’Arctique et des vagues de froid hivernal dans l’hémisphère Nord, aux États-Unis mais aussi en Asie.
«Cela semble très contre-intuitif et inattendu d’avoir ce réchauffement très prononcé dans l’Arctique, et que cela provoque un refroidissement dans d’autres régions», reconnaît auprès de l’AFP Mathew Barlow, l’un des coauteurs de l’étude.
Et pourtant, malgré ce paradoxe, les chercheurs sont formels. «J’étais un peu surpris que les résultats soient si clairs, que nous ayons été capables d’établir un lien aussi direct», confie ce professeur de sciences climatiques à l’Université du Massachusetts Lowell.
Fort réchauffement
L’Arctique est la région de la planète qui se réchauffe le plus vite. Mais deux phénomènes sont en réalité à l’œuvre: d’une part la fonte rapide de la banquise, et d’autre part une augmentation de la couverture neigeuse en Sibérie notamment.
La fonte des glaces provoque un fort réchauffement, l’océan absorbant alors plus de chaleur, tandis que la neige supplémentaire en Sibérie, qui réfléchit davantage les rayons du Soleil, entraîne un léger refroidissement. Dans une réaction en chaîne indirecte et complexe, ces deux évolutions combinées entraînent un bouleversement de la circulation atmosphérique.
Les chercheurs se sont concentrés sur leur effet sur le vortex polaire. Il s’agit de très forts vents soufflant près du pôle en hiver, et situés en haute altitude, dans la stratosphère (l’atmosphère est constituée de la troposphère, dans laquelle nous vivons, puis de la stratosphère juste au-dessus).
Vortex polaire
En temps normal, le vortex polaire forme un cercle capable de contenir l’air froid. «Mais sous l’influence du changement climatique dans l’Arctique, il s’affaiblit et devient ovale», explique Mathew Barlow. Les perturbations atmosphériques montant du sol, plus importantes, «rebondissent» alors lorsqu’elles atteignent le vortex polaire, en étant redirigées vers la surface.
Cette modification dans le mouvement des dépressions «pousse le jet-stream vers le sud», explique le chercheur. Le jet-stream est un courant aérien qui souffle de l’ouest vers l’est. «Et lorsque vous poussez le jet-stream vers le sud, il apporte de l’air froid avec lui.»
Mieux anticiper
La force de cette étude est de combiner deux approches. D’abord, l’analyse des observations directes réalisées sur les quarante dernières années.
Les chercheurs ont sélectionné les périodes où le vortex polaire était étiré en forme d’ovale: ils ont ainsi remarqué qu’avant chacun de ces épisodes, les températures changeaient de façon plus prononcée dans l’Arctique, en raison par exemple de chutes de neige plus fortes ou d’une fonte des glaces particulièrement prononcée. Et que dans les semaines qui suivaient, il faisait plus froid en Amérique du Nord.
Pour la seconde approche, ils ont utilisé un modèle climatique afin de vérifier le lien de cause à effet en faisant varier les différents paramètres. Cette découverte peut avoir de nombreuses implications.
Prendre conscience de l’impact global
En premier lieu, identifier ce mécanisme pourrait permettre de mieux anticiper des vagues de froid extrême, «peut-être même plusieurs semaines à l’avance», espère Mathew Barlow. Ces travaux montrent par ailleurs qu’il est indispensable de mieux se préparer à la possibilité d’ondes de froid extrême, même si de façon générale le globe se réchauffe.
Et en second lieu, les chercheurs espèrent que cet avertissement pourra aider la population à prendre conscience de l’impact global de la crise climatique, et donc de la nécessité de la combattre en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
«Le changement climatique dans l’Arctique n’est pas seulement quelque chose à déplorer pour les ours polaires, martèle Mathew Barlow. Cela peut vraiment vous affecter, vous.»