InterviewPierre de Maere: «Ma Sainte Trinité, c’est ma chatte, ma grand-mère et Lady Gaga»
Le Belge de 21 ans est l’un de nos coups de cœur du Montreux Jazz. Il est ce samedi en concert avec sa pop mainstream, un brin rétro, au Lab.
- par
- Fabio Dell'Anna
Sa description Twitter dit «Rendez-moi célèbre» et Pierre de Maere (à prononcer «Mâre») est sur la bonne voie. Une gueule d’ange, de l’autodérision et un talent fou propulsent ce Belge de 21 ans dans les hauts des classements de son pays.
Bercé par la musique populaire comme celle de Stromae ou de Lady Gaga, il est un amoureux des mélodies accrocheuses et évite les compositions «trop compliquées». Son EP «Un jour, je» a déjà reçu un bel accueil et il travaille actuellement sur un album qui devrait sortir cette année. «Je prends mon temps. J’ai déjà plusieurs morceaux à mon actif, mais je veux défendre mon projet correctement sans que personne ne me stresse», nous dit-il lors de sa venue à Lausanne, en mars dernier.
Pour entendre sa pop élégante, un brin rétro avec des synthés, direction Le Lab ce samedi soir au Montreux Jazz. Le chanteur ouvrira pour Years & Years et a été choisi comme artiste Spotlight par le festival (un projet dédié à la promotion de talents émergents).
La musique était une évidence pour vous?
Vers 10 ans, je m’y suis vraiment intéressé. J’avais cette application mythique sur iPod Touch: Garage Band. Je commençais par des boucles, puis avec des petites partitions de piano sur lesquelles j’ai très vite posé ma voix. Des instrus très faciles et moi qui chantais dans une langue qui n’existait pas. J’ai fait ça jusqu’à mes 14 ans, jusqu’à ce que j’apprenne l’anglais. Puis à 18 ans, on m’a dit: «Pierre, ton accent ce n’est pas possible. Essaie le français.» J’étais très vexé. (Rires.) Mais, en réalité, cela a été un merveilleux conseil. Je me suis découvert musicalement à ce moment-là.
Vous avez ensuite rapidement sorti «Potins absurdes», «Regret» et «Un jour je marierai un ange». Ce dernier titre a d’ailleurs connu un petit buzz.
Je l’ai écrit il y a un an à peu près, alors que j’étais une nouvelle fois séduit. J’étais tombé sous le charme d’un personnage fictif. Je regardais une série qui s’appelle «Scams», je vois cette personne et me dis: «C’est marrant Pierre, tu tombes toujours amoureux de quelqu’un qui n’existe pas.» Par exemple, en lisant des bouquins, même si je lis très peu. Ou alors dans des films ou dans ses séries. Bref, si tu combines tous les critères qui font ton idéal, dans la vraie vie, cette personne n’est pas réelle. Donc, j’ai écrit sur cette quête d’un idéal amoureux qui ne pouvait pas exister.
Votre premier album est prévu pour cette année, mais vous avez déjà sorti un EP. Sur celui-ci, on y trouve une chanson sur… votre chatte?
Exactement, elle s’appelle Lolita. Il faut peut-être que je précise aux lecteurs que je parle d’un chat femelle. Elle a 10 ans. Elle en a plus pour longtemps, donc je voulais lui rendre un petit hommage. Ce morceau parle en gros d’un amour à sens unique. Je trouvais l’idée géniale. Dans ma vie, j’ai une sorte de Sainte Trinité qui est Lolita, ma grand-mère et Lady Gaga. Amen!
Lady Gaga?
Oui! Je l’ai vue en concert une fois à Anvers. J’ai pris une claque. Je me sentais dans un royaume de bienveillance, d’amour et de flamboyance. Elle m’a vendu du rêve et je trouve que c’est le rôle premier de n’importe quel artiste.
C’était votre tout premier concert?
Non. Mon premier concert était «Mozart l’opéra rock». J’avais gagné des places grâce à un concours dans un quotidien belge. C’était assez impressionnant pour un premier show de voir tous ces costumes, la musique et la comédie. J’avais adoré.
Quand on vous écoute chanter la première chose que les gens remarquent est souvent…
Mes «r» roulés. (Rires.)
Exactement. Cela vient d’où?
Cela énerve parfois, mais c’est très naturel. Je n’y ai jamais pensé une seule seconde. Toute ma musique depuis le début est très spontanée et rien n’a été réfléchi en amont. Alors, souvent, on peut se dire: «Pierre de Maere, il a un truc de produit marketing qui en émane à cause de ses «r» roulés, ses looks et tout ça.» Mais absolument pas. Ce n’est que moi poussé à son extrême. Je ne suis pas comme ça dans la vie tous les jours. Les «r» font partie de cette identité qui s’est naturellement créée. Et je trouve ça beau. C’est une question d’esthétisme.
L’EP est sorti en début d’année. Où en êtes-vous dans la préparation de votre album?
Ça prend son temps. J’ai envie de le faire bien. Mon label rêverait d’une sortie en fin d’année. C’est bien qu’il rêve, je trouve ça beau. Malheureusement pour eux, j’ai envie de le faire au mieux et d’en être fier. Sinon, ce serait impossible de défendre le projet, comme je le fais ici. J’aime bien les mélodies qui accrochent et je ne suis pas là pour me branler sur le son. J’ai envie que la musique vous capte dès la première écoute. Un peu comme Stromae. C’est ce qui m’intéresse, car je m’ennuie lorsqu’il faut écouter un morceau 50 fois pour le comprendre. J’ai pas mal de titres déjà en poche, mais je n’ai pas encore le tube.
C’est quoi le tube pour vous?
Cela signifie que ce sera efficace en radio avec un certain format et, surtout, ça ne doit pas être forcé.
Est-ce qu’il y a une collaboration dont vous rêvez?
J’aimerais travailler avec Yelle. C’est un ovni dans le paysage musical francophone. Elle est en avance. Son projet est hyperchic. Son dernier album, «L’Ère du Verseau», était mon coup de cœur de l’année 2020. On se parle, mais de là à l’avoir sur l’album, on n’y est pas encore. Si ça devait être le cas, elle me ferait un grand honneur.
Dans vos textes, vous parlez souvent d’amour. Pourtant, dans une interview, vous vous êtes qualifié de «célibataire à vie». C’est un peu paradoxal, non?
Mais le célibat est terminé, mon cher. (Rires.) Cela m’est tombé dessus, je ne m’y attendais pas du tout. C’est superbe et ça change la vie. Mais en effet, pendant dix-neuf ans, j’ai écrit dessus alors que je n’étais jamais tombé amoureux. Enfin, oui, mais cela n’avait jamais été réciproque. Cela nous permet d’écrire des chansons encore plus fortes, non? Là, je ne suis plus célibataire et je le vis très bien. Sauf que je suis moins inspiré. C’est chiant. Du coup, j’ai écrit ma première chanson d’amour heureuse qui s’appelle «Jour -3» et qui sera sur l’album. C’est d’ailleurs ma favorite parmi les maquettes.
On aura la chance de l’entendre au Montreux Jazz Festival?
Peut-être.
Quel effet cela vous fait d’y être invité ce samedi 2 juillet et d’être sélectionné comme artiste Spotlight par le festival?
J’ai trouvé ça hallucinant qu’un petit mec pop mainstream soit invité. Quelle fraude! Le Montreux Jazz Festival, c’est tout ce qu’il y a de plus chic et de plus puriste. J’étais étonné d’avoir ma place, mais j’en suis ravi. Je pense que c’est le festival pour lequel j’ai le plus de hype et d’attente tellement on m’en a dit que du bien. Le cadre m’envoie du rêve. J’ai plein de festivals superbes en Belgique et en France, mais Montreux est le seul à me proposer un cadre pareil.