Violences policièresUn arrêté interdit la marche annuelle pour Adama Traoré
En plein mouvement de révolte à la suite du décès de Nahel, la justice a interdit la marche annuelle en hommage à Adama Traoré, mort en 2016 lors d’une interpellation.
La justice administrative du Val-d’Oise examine vendredi le recours du comité Adama Traoré contre l’interdiction de sa marche commémorative de la mort du jeune homme, érigée en emblème des violences policières, dans le contexte des émeutes consécutives au décès de Nahel M.
La préfecture du Val-d’Oise a annoncé tard dans la soirée jeudi l’interdiction de cette manifestation annuelle. Elle devait se tenir samedi dans les communes de Persan et Beaumont-sur-Oise pour marquer le septième anniversaire du décès d’Adama Traoré lors d’une interpellation en 2016.
«Contexte inflammable»
Arguant du contexte inflammable et des violences urbaines de ces derniers jours, qui ont notamment abouti à l’incendie de la mairie de Persan, le préfet Philippe Court a justifié sa décision par de possibles «troubles graves à l’ordre public» causés par des «éléments perturbateurs».
Dans la foulée, le comité Adama, emmené par sa grande soeur et militante Assa Traoré, a déposé un référé liberté au tribunal administratif de Cergy-Pontoise pour faire annuler la décision.
L’audience sur ce recours s’est ouverte vers 15h00 devant une formation collégiale de trois juges, qui présenterait selon certains juristes de meilleures garanties d’indépendance et d’impartialité, a constaté une journaliste de l’AFP.
«Nous sommes confiants, cet arrêté ne tient pas», a déclaré à l’AFP Me Marion Augier, l’une des trois avocates du comité Adama, avant d’entrer dans la salle. Le préfet Philippe Court est venu en personne défendre sa mesure devant la justice. La décision sera rendue vers 18h00, a indiqué le tribunal.
Le 19 juillet 2016, le jeune homme noir de 24 ans est mort dans la cour de la caserne de Persan, à une trentaine de kilomètres au nord de Paris, peu après son arrestation par des gendarmes au terme d’une course-poursuite.
Soutiens politiques
Dans le cadre de sa mobilisation, le collectif «Vérité pour Adama» rassemble chaque année des centaines de personnes à l’occasion d’une marche pour réclamer la mise en examen des gendarmes mis en cause, et dénoncer plus largement les violences policières.
Chaque année, le cortège déambule dans une atmosphère militante mais sans incident, pour finir par un concert de rap dans un parc. De nombreux syndicats, organisations et partis politiques y sont attendus cette année, à la suite de l’émotion soulevée par la mort de Nahel M.
Dans une pétition signée avant l’arrêté préfectoral d’interdiction, 200 élus locaux du Val-d’Oise ont appelé les autorités à ne pas autoriser la marche. «Nous n’accepterons pas davantage de provocations et des dégâts supplémentaires dans nos communes, nos intercommunalités, dans notre département», ont-ils déclaré.
À l’inverse, de multiples organisations syndicales, politiques et associatives ont dénoncé dans un texte commun la décision de l’État. «Cette mesure constitue une véritable provocation et une nouvelle atteinte à la liberté de manifester, en étant également un évident signe d’autoritarisme», ont-ils indiqué dans un communiqué.
Instruction toujours en cours
Dépaysée à Paris, l’instruction judiciaire sur la mort d’Adama Traoré est toujours en cours. Selon des sources proches du dossier, les investigations judiciaires sont terminées et le parquet de Paris doit désormais prendre ses réquisitions dans ce dossier dans lequel les trois gendarmes qui l’ont interpellé ont été placés fin 2018 sous le statut de témoin assisté.
La mort d’Adama Traoré avait donné lieu à plusieurs nuits d’émeutes à travers les communes mitoyennes de Persan et Beaumont-sur-Oise.
En 2021, la cour d’assises du Val-d’Oise a prononcé jusqu’à 12 ans de réclusion pour deux hommes pour des tirs d’armes à feu sur les forces de l’ordre au cours de ces violences urbaines particulièrement intenses. Trois autres accusés ont été acquittés, dont un grand frère d’Adama Traoré, Bagui.