Musique: Le jazzman américain Wayne Shorter est mort à 89 ans

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MusiqueLe jazzman américain Wayne Shorter est mort à 89 ans

Le musicien né en 1933 à Newark, près de New York, s’est éteint après avoir marqué le jazz de son influence durant plus d’un demi-siècle.

Wayne Shorter a su, au début d’années soixante marquées par deux grandes figures du sax, John Coltrane et Sonny Rollins, imposer une troisième voix.

Wayne Shorter a su, au début d’années soixante marquées par deux grandes figures du sax, John Coltrane et Sonny Rollins, imposer une troisième voix.

AFP

Le saxophoniste Wayne Shorter, alias «Mr Gone», décédé jeudi à Los Angeles à 89 ans, a passé quasiment soixante ans au sommet de l’histoire du jazz, de chorus rêveurs en conversations musicales inspirées, aux côtés de Miles Davis, Art Blakey, Joe Zawinul ou Herbie Hancock.

«Un personnage, un poète»

«Même si ça n’est pas un chef de file, comme John Coltrane ou Charlie Parker, qui tout d’un coup ont montré la voie, il a apporté beaucoup à l’histoire du jazz», estime Franck Bergerot, journaliste et auteur de plusieurs livres sur Miles Davis, dont Wayne Shorter fut l’un des musiciens de 1964 à 1970. «C’est un personnage, un poète, quelqu’un de complètement à part, qui a contribué à de grandes histoires puisqu’il a été le directeur musical d’Art Blakey et un compositeur important», poursuit l’historien.

En 1960, il a 26 ans lorsqu’il est embauché par Art Blakey dans ses Jazz Messengers: depuis lors, et jusqu’à ce que sa santé ne se détériore subitement début 2019, ce saxophoniste ténor et soprano était quasiment toujours resté au sommet. En toute discrétion. Wayne Shorter a su, au début d’années soixante marquées par deux grandes figures du sax, John Coltrane et Sonny Rollins, imposer une troisième voix.

«Elle s’est distinguée par rapport aux voix plus viriles du hard bop», note Franck Bergerot. «Il a incarné une sorte de voix médiane, un discours un peu plus rêveur.» Ce style, ce phrasé un peu de travers, ces chorus jamais conventionnels, fait de suspensions, de déroutants changements de direction et de tempo, vont s’épanouir pleinement chez Miles Davis. La musique de climats que prône le célèbre trompettiste, contrastant avec le hard bop d’Art Blakey plus rentre dedans, lui libère des espaces. Au sein de cette formation légendaire, Wayne Shorter va aussi exprimer pleinement ses talents d’écriture. Il y signera quelques-unes de ses compositions majeures comme «Footsprints» ou «Nefertiti».

Toujours magique

Puis ce seront les retrouvailles avec le pianiste Joe Zawinul, pour l’aventure Weather Report, groupe phare de jazz fusion dans les années 1970 et 1980. Découvrant avec Weather Report les musiques du monde, il va alors multiplier les piges pour bien d’autres musiciens que ceux de la famille du jazz: le Brésilien Milton Nascimento, le Malien Salif Keita, les Rolling Stones, la chanteuse crossover Joni Mitchell, le guitariste de latin-rock Carlos Santana, plus récemment la chanteuse pop Norah Jones, sont quelques-uns des musiciens qui l’ont sollicité.

«Ses interventions étaient toujours magiques, et à chaque fois, les quelques notes qu’il jouait sur une chanson faisaient que ça devenait quelque chose d’autre», affirme Franck Bergerot. Il fréquentera aussi dans les années 1990, la crème de la nouvelle scène free américaine. Empreint d’une grande sagesse, Wayne Shorter avait également su surmonter des coups durs, dont la mort de son épouse dans le crash d’un avion au-dessus de l’Atlantique en 1996, pour fonder en 2001 son propre quartette.

Enfin leader, il avait avec ce groupe poli son art. «Il s’était affranchi de tout l’attirail jazz-rock pour juste faire de la conversation, en picorant dans son ancien répertoire en toute liberté, comme un oiseau», note Franck Bergerot. Toujours avec modestie et discrétion, traits de caractère d’un musicien à la carrière exemplaire qui, au temps où il était dans le second quintette de Miles, tendait au trompettiste ses partitions en lui disant: «Voilà M. Davis, j’ai écrit de nouveaux thèmes.»

(AFP)

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