Trafic de drogue à Marseille : Procès de quatre hommes accusés d’avoir torturé un «charbonneur» 

Publié

Trafic de drogue à MarseilleProcès de quatre hommes accusés d’avoir torturé un «charbonneur»

Le procès de la séquestration et d’actes de tortures contre un adolescent, brûlé au chalumeau sur fond de trafic de drogues, s’est ouvert vendredi, en France.

La cité des Micocouliers, à Marseille (photo d’archives).

La cité des Micocouliers, à Marseille (photo d’archives). 

AFP

L’adolescent avait été séquestré et torturé toute une nuit, brûlé sur certaines parties du corps au chalumeau. Le procès de quatre hommes jugés pour le lynchage d’un jeune vendeur de drogue, en août 2019, dans une cité marseillaise, s’est ouvert vendredi, à Aix-en-Provence. La victime, Mathieu – le prénom est modifié – qui avait seize ans au moment des faits, a fait savoir par la voix de son avocat espérer que son exemple puisse «servir à d’autres pour leur éviter la même histoire». Il n’était pas présent à l’audience.

«Il n’a jamais surmonté l’épreuve. Pour moi, sa vie s’est arrêtée au jour des faits (…) plus le temps avance, et plus je vois qu’il s’enferme. On en est à un stade où il ne sort plus de chez lui», a déploré l’avocat, Me Xavier Torre. En août 2019, Mathieu avait quitté le foyer de l’Aide sociale à l’enfance où il était placé depuis quelques mois à Chartres (à l’ouest de Paris). Il rêvait de gagner 500 euros par jour en devenant dealer à Marseille.

Arrestation puis fugue

À son arrivée dans la cité des Micocouliers, il est recruté le 9 août comme «charbonneur» (vendeur de drogues). La police l’interpelle juste après sa prise de fonction, mais l’adolescent parvient à dissimuler sous un arbre 15 grammes de cocaïne et 10 barrettes de shit. Conduit devant un juge des enfants, il est placé en foyer dans l’attente de son retour jusqu’à Chartres, accompagné d’un éducateur.

Il fugue, récupère la drogue cachée et, le 12 août, tente de la revendre au pied du bâtiment A6 de la cité Félix-Pyat, mais sans l’autorisation des responsables de ce haut lieu du trafic à Marseille. Dénoncé par un guetteur, il est aussitôt entouré et frappé à coups de poing et de barre de fer, puis conduit dans un local associatif désaffecté.

«Tu vas mourir»

Mathieu est alors entièrement dénudé, attaché sur une chaise avec du câble électrique, frappé et brûlé à quarante reprises avec une cigarette: «Dans la cave, il y avait beaucoup de monde, ils m’ont frappé, ils m’ont fait sniffer de la coke», raconte-t-il. Au milieu de la nuit, alors qu’il a les yeux bandés, deux «grands» lui annoncent qu’il va mourir. «Ils m’ont brûlé les parties génitales. (…) Je hurlais de douleur.» 

Parmi les quatre jeunes hommes jugés, trois ont affirmé au début du procès qu’ils étaient innocents. Le quatrième, comparaissant libre, a déclaré: «Je reconnais les coups en dehors du local, mais je n’ai rien à voir avec ce qui s’est passé ensuite, je n’étais pas dans le local.» Lors de l’étude de leur personnalité, les quatre hommes ont raconté des périodes d’enfance difficiles, des situations de décrochage scolaire. «Entretemps, j’ai mûri, j’ai des projets», a promis l’un d’eux, expliquant vouloir devenir grutier à sa sortie de détention.

Réclusions à perpétuité encourues

En novembre 2022, un des tortionnaires de Mathieu, jugé par la cour d’assises des mineurs, a été condamné à dix ans de prison pour enlèvement et séquestration accompagnée de tortures et d’actes de barbarie. Mathieu l’avait identifié comme celui qui lui avait fait prendre de force de la cocaïne.

Écartant ceux qui n’avaient été que les spectateurs-voyeurs de son lynchage, il a désigné les quatre accusés de ce procès comme ses geôliers violents. Les yeux bandés lors des brûlures, l’adolescent a reconnu, lors d’une confrontation, la voix de celui qui pestait: «Tu vas mourir, tu es coriace (…), tu m’as cassé mon chalumeau.» Tous encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

A l’insu des organisateurs du lynchage, des «petits» avaient donné à boire et des vêtements à Mathieu, après cette nuit de tortures, et deux «grands» l’avaient conduit à l’hôpital. À Marseille, les «jobbers», ces jeunes originaires d’une autre région que le mirage de l’argent facile attire dans la deuxième ville de France pour des petits boulots de guetteur ou vendeur, sur les points de deal, sont souvent pris dans une spirale de violences et soumis à l’emprise des trafiquants, qui font aussi régner la peur parmi les habitants de ces cités. Le verdict est attendu le 15 septembre. 

Ne ratez plus aucune info

Pour rester informé(e) sur vos thématiques préférées et ne rien manquer de l’actualité, inscrivez-vous à notre newsletter et recevez chaque jour, directement dans votre boite mail, l'essentiel des infos de la journée.

(AFP)

Ton opinion