Législatives polonaisesÀ Bruxelles, l’espoir d’un nouveau chapitre avec Varsovie
En Pologne, la victoire électorale qui se dessine pour une coalition centriste fait des heureux au sein de l’UE, tant ont été dures les relations avec Varsovie, depuis l’arrivée au pouvoir des nationalistes.
Après des années de tensions autour de l’État de droit, des migrants ou de l’environnement, l’Union européenne table sur un changement profond dans ses relations avec la Pologne, à l’issue de la victoire électorale qui s’annonce d’une coalition centriste écartant du pouvoir le camp nationaliste.
«La Pologne est de retour!» s’est exclamé, lundi, Manfred Weber, le chef du groupe PPE (droite), devant le Parlement européen à Strasbourg. «C’est une victoire potentiellement énorme», a renchéri l’eurodéputé belge Guy Verhofstadt (Renew Europe), pourfendeur de la Pologne «illibérale» du parti populiste nationaliste Droit et justice (PiS).
Ces réactions résumaient l’ambiance, lundi, dans les couloirs des institutions européennes, même si les résultats définitifs des législatives de la veille seront connus mardi. Selon des résultats partiels publiés lundi, après le dépouillement de 80% des bulletins de vote, l’opposition centriste pro-européenne, menée par l’ancien président du Conseil européen Donald Tusk – sa Coalition civique, le parti la Troisième Voie et la Gauche – obtient plus de 52%, tandis que le parti populiste au pouvoir, le PiS, est en tête du scrutin mais sans majorité, avec 37 pour cent.
Bras de fer sans répit
Ces expressions d’enthousiasme sont aussi à la mesure de ce qu’ont été les très difficiles relations entre Bruxelles et Varsovie, depuis l’arrivée au pouvoir, en 2015, du parti dirigé par Jaroslaw Kaczynski. Concernant l’accueil des demandeurs d’asile, la Pologne n’a cessé de s’opposer pendant huit ans aux règles de la solidarité européenne, tentant avec la Hongrie de bloquer nombre de compromis.
Elle s’est aussi engagée dans un bras de fer sans répit à propos de ses réformes judiciaires, accusées par l’UE de saper l’indépendance des juges. En octobre 2021, le Tribunal constitutionnel polonais, saisi par le Premier ministre Mateusz Morawiecki, est allé jusqu’à contester la suprématie du droit européen en jugeant certains articles des traités de l’UE «incompatibles» avec la Loi fondamentale polonaise.
Une prise de position qui a valu à la Pologne d’être à nouveau traînée devant la Cour de justice de l’UE, un litige toujours en cours.
Varsovie et Budapest sont allés «beaucoup plus loin»
«Autour de la table des Vingt-Sept, il est normal de contester et de juger que l’UE n’agit pas dans le sens de ses intérêts nationaux», note l’analyste Ramona Coman. «Mais les gouvernements polonais et hongrois sont allés beaucoup plus loin en contestant la légalité et la légitimité même de l’Union européenne», ajoute cette professeure de sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles (ULB). «Le départ du PiS va changer la donne.»
Un avis partagé par Lukas Macek, chercheur à l’institut Jacques Delors, à Paris. La victoire annoncée de la coalition bâtie autour de Donald Tusk, un ex-président du Conseil européen (2014-2019), «est une bonne nouvelle pour ceux qui défendent le projet européen». L’UE va gagner «un partenaire plus conciliant, plus positif et ouvert aux compromis». Mais «tout ne va pas radicalement changer, il y aura une transition, avec des marges de manœuvre réduites».