Tennis - La Suisse sous-entend que la Russie aurait triché

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TennisLa Suisse sous-entend que la Russie aurait triché

Vaincue par la Russie en finale de la Billie Jean King Cup, l’équipe de Suisse se demande si Anastasia Pavlyuchenkova était vraiment blessée. Les réactions des protagonistes.

Jérémy Santallo
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Jérémy Santallo
La tristesse de Jil Teichmann (à droite) et Belinda Bencic.

La tristesse de Jil Teichmann (à droite) et Belinda Bencic.

AFP

«Elles ont joué un tennis incroyable et nous devons l’accepter. Nous sommes là pour parler de quelque chose qui n’a rien à voir avec le tennis. Et je trouve ça triste.» Au cœur de la conférence de presse, après la défaite de la Suisse en finale de la Billie Jean King Cup, Jil Teichmann avait comme une envie de remettre l’église au milieu du village et de rendre à la Russie ce qu’elle est allée chercher sur le court: son cinquième titre de championne du monde chez les dames.

«Pour être honnête, je pense que c’était moche.»

Belinda Bencic, joueuse suisse

Car lors du rendez-vous d’après-match avec les journalistes, il a beaucoup été question de la blessure au genou gauche d’Anastasia Pavlyuchenkova. La leader russe, joueuse la mieux classée (12e) de la sélection d’Igor Andreev, a été annoncée forfait à 15h39, soit vingt minutes avant le début de la finale. Belinda Bencic, qui s’attendait à lui livrer bataille et qui s’était donc préparée en conséquence, a alors vu le nom de Liudmila Samsonova s’inscrire en face du sien. On imagine facilement sa moue, sachant que la Russe de 22 ans, 40e joueuse, l’avait battue deux fois depuis le début de l’année… «Ce changement tardif m’a-t-il affectée? C’est dur de répondre. Pour être honnête, je pense que c’était moche. Je suis très déçue. J’ai laissé mon cœur pour la Suisse sur le terrain, comme mes partenaires. Je pense que l’on méritait de gagner et j’espère que le karma du sport nous le rendra, un jour. On va se battre pour ça.»

«Si vous êtes battus par une meilleure équipe, c’est bon, mais il y a ici un léger soupçon»

Heinz Günthardt, capitaine de la Suisse

D’entrée lancé sur la question du forfait de Pavlyuchenkova, le capitaine suisse Heinz Günthardt a dit, tout en nuances et en retenue, ce qu’il avait sur le cœur. «Peut-être que certains pensent que c’était intelligent de la part de la Russie, mais c’est impossible. Soit elle s’est blessée toute seule, et ça voudrait dire que c’est de la malchance, soit ils l’ont fait à dessein, et c’est de la triche. Ce n’est pas intelligent. Je trouve que c’est quelque peu malheureux car le tournoi s’était déroulé jusqu’ici dans un très bon état d’esprit. Si vous êtes battus par une meilleure équipe, c’est bon, mais il y a ici un léger soupçon. Cela a été un peu manipulé, donc ça fait plus mal. Mais bon, elle s’est peut-être vraiment blessée. Il faut poser la question à la Russie.»

«J’ai vu que je ne pouvais pas me donner à fond, que je ne pouvais juste pas servir»

Anastasia Pavlyuchenkova, joueuse russe

Interrogé, Igor Andreev, le capitaine russe, a répondu ceci. «Anastasia voulait jouer mais à l’échauffement (ndlr: samedi, en début d’après-midi), elle a senti qu’elle ne pourrait pas se donner à 100%. On a donc décidé de changer les nominations pour la finale.» Avant de laisser la parole à Pavlyuchenkova. «Je dois faire avec des douleurs persistantes à mon genou depuis très longtemps. J’ai vu que je ne pouvais pas me donner à fond, que je ne pouvais juste pas servir.» Questionné sur le timing précis de la blessure par un confrère alémanique, Igor Andreev a vu sa joueuse Veronika Kudermetova voler à son secours. «Il a effectué ce changement après l’échauffement du jour, pas vendredi», a-t-elle précisé.

«C’est presque impossible de vérifier que quelqu’un s’est blessé vingt minutes avant la rencontre»

Heinz Günthardt, capitaine de la Suisse

La règle, mise sur pied du temps de la Fed Cup, a sans nul doute joué en faveur de la Russie. «Si un athlète se blesse à la dernière minute, il faut être capable de le remplacer. Mais si quelqu’un abuse de la règle, il faut y regarder de plus près. Le problème, c’est ce docteur indépendant qui doit vérifier que la personne s’est fait mal sur le moment et pas ultérieurement. C’est presque impossible de vérifier que quelqu’un s’est blessé vingt minutes avant la rencontre, a encore expliqué Heinz Günthardt, qui a donné un début de piste pour éviter un «soupçon» de ce type à l’avenir. La no 2 pourrait remplacer la joueuse la mieux classée. Pas la no 4 ou no 5 seulement parce que tu sais qu’elle joue mieux contre la joueuse adverse.»

Bien que frustré, le capitaine helvétique n’a pas oublié de féliciter la Russie. «C’était la meilleure équipe aujourd’hui (ndlr: samedi), elles ont vraiment bien joué.» Le mot de la fin pour Jil Teichmann. «Pour le moment, c’est dur pour nous. On vient de perdre contre une belle équipe, mais on a toujours ce petit doute et c’est ça qui nous fait mal. Parce que nous, on n’est pas comme ça. On a tous pleuré, mais je suis sûre que dans une heure ou demain (ndlr: dimanche), on sera tous très fiers de notre parcours.»

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