VaudExpulsion fatale à Lonay: «Il savait qu’il allait perdre son fitness»
Le matin du jeudi 2 novembre, le patron du Fun Body s’est ôté la vie devant des fonctionnaires de l’Office des poursuites et de la Justice de paix.
- par
- Evelyne Emeri
«Mon collaborateur a cru que c’était une palette qui était tombée», explique ce locataire du même immeuble, situé dans le quartier commercial de Lonay. La palette, c’est le coup de feu que le gérant du fitness Fun Body a tiré pour mettre fin à ses jours jeudi 2 novembre. Ce matin-là, à 9h, celui qui a créé ce centre sportif en 1996 d’après le registre du commerce, avait rendez-vous avec les instances ad hoc pour qu’il soit procédé à son expulsion des locaux dont il ne réglait plus les loyers.
Selon les informations du matin.ch, deux préposés de l’Office des poursuites et un collaborateur de la Justice de paix sont arrivés sur place, accompagnés de trois gendarmes. La propriétaire et un agent d’affaires sont également présents. Le patron les attend, avec une arme de poing dissimulée. Tout se passe très vite. En une fraction de seconde, il sort ladite arme à feu et choisit d’en finir. Il était prêt et déterminé.
«Il ne venait plus au fitness»
Ressortissant français de 66 ans, marié, l’homme vivait dans la région et s’était investi dans son fitness sans compter, toujours avec des machines de dernière génération. «Depuis le Covid, il avait dû réduire la voilure et fermer deux autres locaux dans le même bâtiment, nous indique un client régulier. Il avait une clientèle d’habitués et de fidèles qu’il peinait à renouveler.» Un autre client se confie également au matin.ch: «Il se cachait d’avoir perdu beaucoup avec la pandémie, mais il savait qu’il allait perdre son fitness. Il avait clairement prémédité son geste». «Depuis un mois, il ne venait plus, il ne répondait plus non plus au téléphone, pas même à sa réceptionniste, ajoute l’employée d’une entreprise qui se trouve au-dessus du Fun Body. Quelle tristesse. Et quel gâchis.»
Propriétaire en état de choc
Avant d’en arriver à l’expulsion qui devait intervenir ce jeudi matin noir, des solutions avaient bien sûr été recherchées avec les différents intervenants. La propriétaire des locaux est en état de choc. Terriblement secouée par ce qu’elle a vu sous ses yeux, elle ne souhaite pas s’exprimer au matin.ch. Aucune des personnes présentes n’a pu tenter quoi que ce soit pour éviter le geste fatal. Le gérant du fitness n’a menacé personne, ni blessé qui que ce soit, comme le précisent le Ministère public et la police cantonale. Les policiers l’ont immédiatement pris en charge dans l’attente de l’arrivée des secours d’urgence, en vain.
Enquête en cours
Plusieurs feuilles ont été apposées sur les différentes entrées du Fun Body, au garage souterrain et sur la porte vitrée du premier étage où l’on peut lire: «Fitness FERME jusqu’à nouvel avis! Merci de votre compréhension». Depuis la tragédie, les clients qui ne travaillent pas dans le quartier se cassent le nez sur ces quelques lignes, sans comprendre. À l’image de cette cliente qui bute sur le seuil et qui ne sait rien de ce qu’il s’est joué derrière cette porte il y a quelques jours. Des fleurs avaient été déposées, elles ont été retirées. Le parquet vaudois a ouvert une enquête afin de déterminer les circonstances exactes de ce décès.
L’antécédent de Lutry
Une bien triste affaire qui n’est pas sans rappeler celle de Lutry en septembre 2021. Contrainte de mettre en vente son logement, une habitante de La Conversion (sur les hauts de la commune) s’était immolée par le feu à l’arrivée du personnel de l’Office des poursuites et de la police, comme le racontait lematin.ch. Une amie médecin, qui la soutenait dans ses démarches, était avec elle et avait tenté de la sauver. Elle avait été elle-même grièvement brûlée et avait appris le départ de sa protégée en salle de réveil au CHUV.
Reste à l’évidence la colère et la stupeur de pareils passages à l’acte. Reste aussi deux questions centrales: comment anticiper ces déchirements du bien saisi, éviter ces drames lors de l’application de procédures d’expulsion ou de vente forcée? Les autorités ne devraient-elles pas revoir leur approche et leur mode de fonctionnement?