FranceFace à l’absence de pluie, des restrictions d’eau se profilent déjà
Après un mois sans précipitations, les nappes phréatiques sont déjà dans le dur en France. Des mesures pourraient être prises dès mars, afin d’«éviter une situation catastrophique» en été.
La France pourrait connaître de nombreuses restrictions d’eau dès le mois de mars, inédites si tôt dans l’année, après un nouveau record de 32 jours sans pluie et un hiver très sec qui ont mis en péril le rechargement des nappes phréatiques, déjà épuisées par la sécheresse historique de 2022.
«La France est en état d’alerte» et «on a environ deux mois de retard pour le remplissage» des nappes, a reconnu, mercredi, Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, en première ligne pour gérer les tensions sur l’usage de l’eau entre agriculture, production électrique, loisirs et écosystèmes.
Lundi prochain, le ministre doit réunir des préfets, afin de «prendre des mesures de restriction qui soient «soft», dès le mois de mars, pour éviter de se retrouver dans des situations catastrophiques d’arbitrage» à l’approche de l’été. Pendant ce temps, le département des Pyrénées-Orientales est en alerte sécheresse depuis juin, rejoint par celui du Var depuis vendredi.
Pas de véritable pluie depuis le 21 janvier
«Il n’y a pas d’agriculture sans eau», a redit, mercredi, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, confirmant qu’en matière de stockage, 60 nouveaux projets d’ouvrages hydrauliques à vocation agricole allaient être «mis en service d’ici à juin». Or ces projets suscitent de vives tensions avec les militants écologistes, qui réclament de repenser le modèle agricole pour s’adapter au changement climatique.
En 2019, la France prélevait 31 milliards de mètres cubes d’eau par an, quand 208 milliards de mètres cubes se renouvelaient annuellement dans les milieux naturels, selon les statistiques du ministère. Prévu en janvier, le «plan eau» du gouvernement devrait être dévoilé d’ici à la fin mars.
Le temps presse. La France métropolitaine n’a pas connu de véritable pluie du 21 janvier au 21 février, soit 32 jours, la plus longue période «depuis le début des mesures, en 1959», a annoncé, mercredi, Météo-France. Cette sécheresse, qui bat le record de 31 jours établi en 2020, pendant le confinement du Covid-19, devrait s’interrompre ce mercredi, avec le passage d’une perturbation faiblement pluvieuse.
Déficit en pluie, chaleur et sécheresse
Mais l’épisode est d’autant plus préoccupant qu’il survient en hiver, période de recharge cruciale des nappes phréatiques, beaucoup moins nourries par les pluies printanières. Celles-ci sont surtout absorbées par le retour de la végétation. «Depuis août 2021, tous les mois sont déficitaires en pluie, à l’exception de décembre 2021, juin 2022 et septembre 2022», souligne Météo-France, qui ajoute que «le mois de février 2023 devrait se terminer avec un déficit pluviométrique de plus de 50%, devenant ainsi l’un des mois de février les plus secs jamais enregistrés».
À ce déficit de pluie s’ajoute une chaleur au-dessus de la «norme en France depuis douze mois d’affilée», février pouvant «être le treizième de cette série inédite» depuis les premières données fiables de 1947, ajoute Météo-France.
Ces anomalies de chaleur et de sécheresse ne sont plus des événements isolés, mais se répètent à plus brève échéance et avec davantage d’intensité, illustrant les prévisions du GIEC, les experts climat de l’ONU, sur les conséquences du réchauffement climatique causé par l’activité humaine. «Le réchauffement climatique, c’est entre 15 et 40% de réserve d’eau disponible en moins pour la France», a rappelé, mercredi, Christophe Béchu.
Mauvaise élève
L’heure est donc aux économies d’eau, un thème sur lequel la France fait figure de mauvaise élève. «On a eu une culture de l’abondance», a encore déclaré le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, avec «moins de 1% de nos eaux usées retraitées», alors qu’elles «sont réutilisées dix fois plus en Italie, 20 fois plus en Espagne» et près de 85 fois plus en Israël. Côté distribution, «20% de notre eau potable part dans des fuites et on n’a pas de plan» pour y remédier, «avec des territoires qui ont parfois jusqu’à 70% de fuite», dont beaucoup sont ceux ayant manqué d’eau potable à l’été 2022, a-t-il ajouté.