CommentaireUBS: Unique Bank of Switzerland
La Suisse vit dorénavant avec sa dernière grande banque sur la scène internationale. Pas sans risque.
- par
- Eric Felley
La messe est dite. Il ne restera rien de Credit Suisse. Même si certaines voix politiques bourgeoises auraient souhaité que Credit Suisse survive en Suisse comme une entité distincte. Jeudi, UBS a absorbé son ancienne concurrente et n’en gardera pas le moindre souvenir pour faire joli dans le paysage.
Dans cette opération, il y a deux façons de voir les choses. La première est la vision du Conseil fédéral, qui n’a pas eu d’autre choix le 19 mars dernier que de sauver Credit Suisse en la vendant à UBS. Dans le cas contraire, cela aurait provoqué un chaos bancaire qui aurait été fatal à la réputation de la place financière suisse et donc à tout le pays.
«Hold-up»
La deuxième est plus pragmatique. En reprenant Credit Suisse pour une bouchée de pain, UBS a pu faire un bénéfice de 25 milliards de francs, une opération qualifiée de «hold-up» par le conseiller national Samuel Bendahan (PS/VD). Certes, la nouvelle banque s’est empressée au mois d’août de renoncer aux garanties de la Confédération, pour le plus grand soulagement de Karin Keller-Sutter et du Conseil fédéral. Elle a aussi versé 200 millions de francs dans les caisses de la Confédération. Un geste sympathique, mais qui n’atteint même pas 1% du bénéfice réalisé par UBS.
En résumé, le Conseil fédéral a préservé la place financière helvétique d’un désastre, tandis qu’UBS a réussi la plus belle opération de son histoire avec l’aide de la Confédération. La Commission d’enquête parlementaire devra remonter le fil des événements pour éclairer ces deux réalités et donner une réponse à ceux qui ont perdu leur job et leur argent dans cette histoire. Cela prendra du temps, le temps de tourner la page comme on dit.
«Les meilleurs pas les plus grands»
Aujourd’hui on peut rebaptiser l’Union de banques suisses par Unique Bank of Switzerland. Les dirigeants d’UBS, Sergio Ermotti en tête, sont conscients du danger. «On veut être les meilleurs, pas les plus grands», a-t-il déclaré jeudi. Et de rappeler que l’ensemble des banques cantonales sont plus grandes si l’on considère les dépôts et les crédits. Mais les 24 banques cantonales sont autonomes et disposent quasi toutes des garanties de leur canton. De par leur diversité, elles ne présentent pas du tout le même risque. Il faut compter aussi avec les banques Raiffeisen et les banques privées. Mais sur la scène internationale, UBS est dorénavant la seule banque suisse dans la cour des grandes.
La moins mauvaise
Dans un monde où l’argent a toujours son mot à dire, le poids politique d’UBS a grandi d’autant et sa responsabilité aussi. Les réactions politiques aux annonces d’hier ont été discrètes à l’exemple de celle de Fabio Regazzi (C/TI) de l’USAM: «Cette situation n’est évidemment pas satisfaisante, mais c’est la moins mauvaise qui soit». Si de nombreuses propositions ont été faites au Parlement pour de nouvelles réglementations, Sergio Ermotti a fait savoir: «Nous sommes soumis aux réglementations. Si la politique change les règles, nous devons nous adapter».
Mais cela n’arrivera pas de sitôt. Dorénavant, ce qui est bon pour UBS est bon pour la Suisse. En intervenant dans cette affaire, le Conseil fédéral n’avait pas le choix. Dorénavant si UBS devait mal tourner, il n’existera plus d’alternative helvétique pour sauver le navire. Comme Swissair a fini un jour dans le groupe allemand Lufthansa.