Football: Le FC Sion aurait besoin de repartir d’une feuille blanche

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FootballLe FC Sion aurait besoin de repartir d’une feuille blanche

À trop flirter avec le vide, le club valaisan doit devenir autre chose qu’une équipe qui aime les emmerdes jusqu’à les rechercher. Son nul providentiel contre Servette (3-3) illustre ce qui doit changer. Tout…

Nicolas Jacquier Sion
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Nicolas Jacquier Sion


C’est un rituel de fin de saison auquel l’on a systématiquement droit quand plusieurs équipes représentant une communauté d’intérêts proches doivent encore s’affronter et que certaines, en vacances, ont déjà bâché tandis que d’autres sont encore plongées dans la mistoufle. Entre footballeurs de même obédience linguistique, la solidarité existe-t-elle? Tout le monde a beau jurer que personne ne mange de ce pain-là, Servette y a répondu à sa manière en se déplaçant en Valais sans plusieurs de ses cadres et présentant au coup d’envoi un onze de départ très expérimental (ne comptant pas plus de 90 titularisations au total cette saison).

On ne saurait pourtant blâmer ici Alain Geiger: Servette s’étant sauvé trois jours plus tôt, son entraîneur était libre de faire tourner. Il n’y a rien de répréhensible à cela, même si la méthode peut choquer quand on connaît l’importance d’un derby aux yeux des fans.

Pour Sion, c’était en tout cas un cadeau inespéré, qu’il n’a cependant pas su déballer jusqu’à côtoyer le pire devant son public, comme il en a pris la vilaine habitude cette année. Alors qu’ils avaient ouvert le score et que les planètes semblaient enfin s’aligner, comment ses joueurs ont-ils pu à nouveau se mettre dans la gonfle?

Avec Frick, Sion faisait les barrages

Face à un visiteur lâché par son gardien, il aura fallu la réussite providentielle de Gaëtan Karlen et les étourderies répétées d’Omeragic - relayant Frick, l’habituel remplaçant a les trois buts sur la conscience - pour permettre à Sion de ne pas devoir prolonger dangereusement sa saison. Avec Frick entre les poteaux genevois, ce sont les barrages contre Schaffhouse que les Valaisans pouvaient préparer.

Ce dimanche, dans un condensé de ce qu’a été sa saison, Sion a fait du Sion. À croire qu’il ne sait faire que cela et que son fonds de commerce le dispense de proposer autre chose que du suspense. Sur la longueur d’un championnat, une approche aussi minimaliste est trop pauvre pour pouvoir s’en contenter.

Il y a certes eu la folle intensité dramatique d’un incroyable dénouement préservant le club valaisan d’un scénario autrement plus diabolique encore. Mais cela ne suffit pas à faire oublier des mois d’ennuis et de galère pour une équipe dont le dernier succès à domicile remonte au 2 mars contre le futur relégué Lausanne.

Oser faire son introspection

Si l’on a fini par comprendre qu’il ne peut décemment pas y avoir de match normal (et de saison normale) avec cette équipe, est-ce une raison pour abdiquer? Voilà trois printemps que la dramaturgie compense l’absence de projet ambitieux dans le jeu. Or avec la saison de transition qui s’ouvrira cet été, sans relégation directe à l’issue du championnat 2022-2023, Sion, au-delà des sourires de circonstance et des scènes de liesse partagées en famille sur la pelouse au coup de sifflet libérateur, aurait tort de ne pas se livrer à son introspection. Ce qui suppose de se poser les bonnes questions, forcément celles qui font mal en premier lieu. 

La première concerne son entraîneur, dont la présence sur le banc pour la reprise n’a pas encore été officialisée. Il serait très exagéré et surtout contraire à la réalité de prétendre que Paolo Tramezzani a sauvé le club valaisan ce printemps. Alors que Sion comptait 14 points d’avance sur Lucerne de nature à lui assurer une fin de saison sereine, c’est son coach qui, gérant mal un tel matelas de sécurité, n’a pas su lui offrir une perspective plus souriante.

Aujourd’hui, Sion manque autant de légèreté primesautière et de joie de jouer (et à transmettre à ses fans) qu’il souffre d’un décalage avec son public. Tourbillon a bien sûr fait le plein d’émotions ce dimanche mais cela ne compense nullement une nouvelle saison de frustration. Spécialisé dans les seules missions de maintien, Sion en est réduit à réussir des sauvetages toujours plus abracadabrants.

Le fameux caractère «valaisan» derrière lequel aiment à se réclamer ses joueurs existe bien sûr par intermittence; il mériterait d’être mieux exploité, mis surtout au service d’un vrai projet de jeu. Sion ne peut plus se permettre d’empiler les joueurs, d’engager à tour de bras pour ne pas s’appuyer sur les véritables talents. À lui seul, le destin tourmenté de Vagner Dias résume une politique à bannir. On ne peut pas avoir disputé 30 matches en L1 comme le Cap-Verdien l’a fait et être blacklisté à Tourbillon comme l’attaquant l’a été dès son arrivée. 

Un autre FC Sion doit exister

Comme dans les autres états-majors romands, le chantier est à la fois vaste et complexe. Il concerne autant la défense, gardien compris (Kevin Fickentscher ne gagnant plus suffisamment de points comme il savait naguère le faire) que le milieu de terrain et le compartiment offensif. Où, hormis la parenthèse enchantée Gaëtan Karlen contre Servette, Filip Stojilkovic se démène seul. Derrière les 11 buts de l’international helvétique M21, il n’y a personne sinon les penalties transformés par Grgic et les déboulés victorieux de Cavaré, troisième meilleur buteur du club avec 5 réussites. Il y a là comme une anomalie à corriger.

À trop aimer les emmerdes, Sion a fini par les attirer. Pour rompre avec ces derniers exercices de désolation, il lui faudrait idéalement repartir d’une feuille blanche.

À Tourbillon, il ne s’agit pas de tourner la page mais de l’arracher (du moins en théorie) pour écrire une autre histoire. Avec plus de résultats, plus de stabilité, plus de plaisirs partagés. Et surtout moins d’emmerdes.

Un autre FC Sion doit pouvoir exister.

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