Vide juridiqueCette faille qui permet de blanchir de l’argent aux poursuites
De grosses sommes d’argent sale circuleraient dans les offices des poursuites suisses, qui acceptent sans contrôle d’importants paiements en liquide.
- par
- Jonathan Zalts
Blanchir de l’argent en Suisse ne semble pas bien compliqué, si l’on en croit les conclusions d’une enquête menée par la SRF. La faille serait même connue des autorités. Et cela se passe dans des lieux bien connus: les offices des poursuites.
Selon la radio alémanique, le problème existe principalement sur les places financières suisses, où des transactions en liquide de plusieurs dizaines de milliers de francs surviennent régulièrement. Pour le seul canton de Genève, ce sont par exemple pas moins de 24 millions de francs en espèces qui ont transité l’année dernière par les différents offices. Et dans ces sommes conséquentes, se trouverait une partie d’argent sale.
Risque d’abus
Alors que les banques se doivent de procéder à des contrôles pour tout dépôt en cash à partir de 15 000 francs, il n’en va pas de même pour les offices de poursuites. Ces derniers acceptent en effet tout paiement, sans s’embarrasser de questions sur l’origine de l’argent.
Dès lors, il existe un risque d’abus, rapporte la SRF. Pour blanchir de l’argent, il suffit par exemple de mettre en poursuite une connaissance pour un prêt fictif et de lui remettre la somme en argent sale. La personne se rend ensuite à l’office pour effectuer le paiement. L’office des poursuites reçoit donc de l’argent sale et le transfère, blanchi, sur le compte du créancier.
Mafia italienne
Selon la SRF, la faille serait bien connue des experts comme des autorités, mais le risque d’abus était jusqu’ici considéré comme théorique. Le Conseil fédéral était notamment d’avis que les paiements en espèces devaient être possibles pour que les débiteurs puissent éviter une saisie de dernière minute.
«La mafia italienne utilise depuis longtemps des biens immobiliers à Genève pour blanchir de l’argent», déplore néanmoins l’avocat et conseiller national Christian Dandrès (PS/GE) auprès de la radio alémanique. Ce dernier a donc déposé une interpellation parlementaire: «On ne peut pas imposer des règles de diligence aux banques et laisser en même temps d’importantes failles de sécurité dans les services de l’État», souligne-t-il.
Contacté par la SRF, l’Office fédéral de justice (OFJ) admet qu’il existe «un risque potentiel d’abus». Une modification de la loi a donc été mise en consultation. Cette dernière prévoit que les paiements en espèces ne soient autorisés que jusqu’à 100 000 francs.