Cyclisme«Chaque jour un Suisse pourra être cité parmi les favoris»
Ancien coureur cycliste professionnel, désormais consultant à la RTS, Daniel Atienza a passé au crible le Tour de Suisse (12 au 19 juin) qui débute ce dimanche.
- par
- Chris Geiger
Le parcours
«On est en Suisse. On sait que notre pays est pas mal plat, mais je pense que le parcours est particulièrement difficile cette année. Si ça se trouve, il n’y aura pas une seule étape pour les sprinteurs. Ce sera difficile tous les jours, à commencer par la 1re étape de ce dimanche autour de Küsnacht. Les tracés des étapes sont tous vallonnés, avec des difficultés tout près des arrivées. À mon avis, il n’y aura d’ailleurs aucun sprint massif durant ce Tour de Suisse. Ça explique peut-être le fait qu’il y ait si peu de purs sprinteurs au départ. Indépendamment des grosses étapes de montagne en fin de semaine prochaine, tous les jours seront difficiles. Ce sera vraiment une course pour grimpeurs, avec le contre-la-montre du dernier jour pour départager les meilleurs.»
Les étapes-clés
«Je pense qu’on peut perdre le Tour de Suisse chaque jour. Il y aura une sélection importante au quotidien. Il y aura deux arrivées au sommet (ndlr: étapes 6 et 7) ainsi que le contre-la-montre du dernier jour pour départager les meilleurs et pour creuser des écarts. D’ailleurs, sur une course par étapes, on dit généralement que la différence pour les meilleurs se fait sur une attaque et un contre-la-montre»
Tour de Suisse 2022 – 8 étapes
Le plateau
«C’est une très bonne surprise que le plateau soit à ce point relevé. L’inversion des tendances se confirme depuis quelques saisons désormais. Habituellement, les meilleurs coureurs allaient sur le Dauphiné, ils viennent désormais sur le Tour de Suisse. Le plateau de ce dernier est, cette année, plus beau que celui du Dauphiné, si l’on excepte les Jumbo-Visma. Ces derniers ont mis leur armada en vue du Tour de France sur le Dauphiné. Pour le reste, on a de très, très beaux coureurs, dont l’intégralité ou presque des coureurs suisses de niveau World Tour. Ce plateau s’explique par le parcours équilibré, les bonnes conditions et la programmation des stars. Ces dernières effectuent des désormais des stages en altitude et les prolongent au maximum. Les quelques jours supplémentaires au calendrier dont bénéficie le Tour de Suisse par rapport au Dauphiné s’avèrent ainsi importants. Auparavant, les coureurs privilégiaient la récupération entre le Dauphiné, les différents Championnats nationaux et le départ du Tour de France. Désormais, ils favorisent un séjour en altitude prolongé pour arriver en conditions optimales au départ du Tour de France. C’est pourquoi les coureurs optent pour le Tour de Suisse et que le plateau est beaucoup plus relevé depuis quelques années.»
Les favoris
«J’ai envie de mettre une pièce sur Remco Evenepoel. Je pense qu’avec sa victoire sur Liège-Bastogne-Liège, il est revenu, tant au niveau mental que physique, au niveau qui était le sien avant sa chute sur le Tour de Lombardie. Il a effectué une pause, durant laquelle il a fait un stage en altitude. Il est ensuite revenu sur le Tour de Norvège, où il a littéralement écrasé la concurrence (ndlr: vainqueur de trois étapes sur six, premier du général). Il a même gagné au sprint! Il a battu des records de puissance pour ainsi dire jamais vu à ce niveau. On parle beaucoup de Remco Evenepoel sur les classiques. On le voit comme le petit Eddy Merckx. Mais pour être un grand coureur, il faut gagner des grands Tours. Avant de gagner dans cette catégorie, il faut d’abord gagner des Tours d’une semaine ou plus, à l’image du Tour de Suisse. Je pense que s’il arrive à s’imposer sur ce Tour de Suisse, ce sera un point clé de sa carrière. Ça montrerait qu’il pourrait pourquoi pas gagner un grand Tour un jour. À partir de là, tout serait ouvert. Remco Evenepoel qui, au summum de sa forme, pourra compter sur une équipe à son service sur ce Tour de Suisse. Il devra toutefois se méfier de coureurs comme Aleksandr Vlasov, qui vient de gagner le Tour de Romandie, ou encore Gino Mäder, qui a fait podium sur la Boucle romande.»
Les Suisses
«Si on excepte Mauro Schmid qui sort du Giro, on a la quasi-totalité des meilleurs coureurs suisses au départ. Ça me réjouit particulièrement car les cyclistes se doivent d’être au départ de leur boucle nationale. Cette grosse présence helvétique va nous permettre de citer chaque jour un Suisse parmi les favoris de l’étape. Avec Marc Hirschi, on a un coureur qui a une pointe de vitesse, qui a du punch. Le parcours, du moins dans les premières étapes, est fait pour les puncheurs. Avec Gino Mäder, on a un grimpeur capable de briller sur les étapes qui vont arriver au sommet. Avec Stefan Küng, on a un favori pour le contre-la-montre. Si les planètes sont alignées, on peut donc espérer avoir un Suisse sur le podium final de ce Tour de Suisse. On a donc non seulement la quantité, mais également la qualité. La présence de l’équipe nationale est également une bonne chose. Elle permet à sept Suisses supplémentaires de prendre le départ de ce Tour et à ces derniers de se mesurer aux meilleurs coureurs du monde. L’équipe Swiss Cycling, avec ses moyens du bord, a l’habitude de se mettre en évidence en prenant les échappées et en étant protagonistes de la course.»
Les 19 Suisses au départ
La polémique Rafael Nadal
«Je comprends cette polémique (ndlr: plusieurs cyclistes ont publiquement regretté le fait que Rafael Nadal ait pu jouer à Roland-Garros malgré ses injections d'anesthésiants) et je suis également agacé de constater que tous les sports ne sont pas soumis aux mêmes règles. Je pense toutefois qu’il ne faut pas stigmatiser Rafael Nadal car ce dernier s’est toujours montré transparent sur le traitement qu’il subissait. De plus, il a respecté les règles en vigueur dans le tennis. Les coureurs cyclistes doivent, eux, respecter d’autres règlements, en l'occurrence ceux en vigueur dans leur sport. D’un côté, le sportif peut jouer, courir et passer pour une star en prenant des anesthésiants et des anti-douleurs. De l’autre, le cycliste doit rester à la maison car il n’est pas autorisé à soigner ou à masquer sa douleur. Je peux donc comprendre l’agacement des coureurs. À mon avis, le problème se situe au niveau des règlements. Ces derniers devraient être uniformisés pour tous les sports, du moins ceux qui sont olympiques.»