Ski alpin: Markus Waldner: «Ce calendrier était insensé»

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Ski alpinMarkus Waldner: «Ce calendrier était insensé»

Directeur des courses masculines de Coupe du monde à la FIS, l’Italien est un homme exposé. Rencontré lors des finales à Saalbach, il livre ses vérités et fait l’autocritique de sa fédération après une saison chaotique.

Sylvain Bolt - Saalbach
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Sylvain Bolt - Saalbach
Patron du circuit masculin de ski alpin, Markus Waldner est en première ligne lors des annulations.

Patron du circuit masculin de ski alpin, Markus Waldner est en première ligne lors des annulations.

IMAGO/Independent Photo Agency

Sur la piste, il est souvent recouvert d’une longue pèlerine lorsque la pluie ou la neige noient la tenue des épreuves. Sa radio est toujours accrochée à son torse. Sur la Coupe du monde de ski, Markus Waldner est en première ligne. Le patron du circuit masculin a le dernier mot lorsqu’il faut se résoudre à annuler les courses.

C’est lui qui hérite du mauvais rôle. Lui qui doit par exemple encaisser la colère d’Henrik Kristoffersen lorsque le Norvégien s’indigne des conditions de course dans l’aire d’arrivée. Depuis dix ans, l’Italien du Tyrol du Sud s’expose et accepte les critiques. Un rôle de l’ombre ingrat qu’il assume sans broncher.

À Saalbach, en Autriche, lors des finales de Coupe du monde, l’homme de terrain s’est livré après l’une des pires saisons de sa carrière, entre annulations à la pelle et nombreux blessés.

Markus Waldner, entre les nombreuses annulations et blessures, cet hiver a été chaotique…

La saison a été compliquée. La météo n’a pas joué en notre faveur, nous avons aussi eu de la malchance avec des tempêtes inédites comme celle de Beaver Creek (USA) qui nous a privés de trois courses. Il y a eu énormément de pluie, comme lors du slalom de Bansko (Bulgarie) qui est tombé à l’eau. Mais nous devons aussi nous faire une raison: en janvier, nous sommes passés de -15 degrés à Kitzbühel à +15 degrés deux jours plus tard à Schladming. Selon les experts, ce genre de phénomènes extrêmes va malheureusement de plus en plus régulièrement nous frapper ces prochains hivers. Du coup, les conditions de course ne répondent pas toujours aux hautes exigences des athlètes et des coaches. Mais nous sommes un sport d’extérieur et devons accepter les risques d'annulation. Et tenter de les réduire au maximum avec un calendrier mieux pensé, avec davantage de garanties. 

Markus Waldner a vécu un hiver 2023/24 très compliqué.

Markus Waldner a vécu un hiver 2023/24 très compliqué.

IMAGO/Eibner Europa

Le calendrier était-il trop dense?

Soyons honnêtes: le calendrier n’était depuis le début pas optimal. Je l’avais déjà dit en automne lors du Conseil de la FIS à Zurich. Trop de courses ont été planifiées: 13 descentes et 13 slaloms. C’est insensé. Nous n’avions jamais vu ça. Nous devons prendre en compte la fatigue des athlètes, les laisser récupérer, comme ils l’ont demandé. On a eu beaucoup d’échanges mais c’est vraiment le moment d’appliquer ces changements. Trop de courses, ce n’est pas non plus bon pour l’attractivité car cela ennuie les téléspectateurs. Et il faut bien les répartir, pour éviter d’avoir un mois sans descentes comme cela a été le cas cette saison…

Comment expliquez-vous toutes ces blessures?

Ce thème a été très présent aussi parce que des cadors ont été touchés (ndlr: Marco Schwarz, Alexis Pinturault, Sofia Goggia, Aleksander Aamodt Kilde, Mikaela Shiffrin notamment). Chaque accident a sa propre histoire et il ne faut pas tout mélanger. Statistiquement, il y a chaque année des blessés. Bien sûr que c’est notre rôle de chercher à les réduire car nous en déplorons trop, aussi chez les juniors.

«Le ski alpin va dans la mauvaise direction. Nous devons donner un signal clair et apprendre de nos erreurs»

Markus Waldner, directeur des courses masculines

À quoi sont-elles liées?

À la préparation des pistes notamment. On essaie de les rendre le plus dur possible selon le souhait des athlètes et des entraîneurs. Et donc automatiquement le matériel se développe dans cette direction. On tire jusqu’à la limite et le tout devient un mélange explosif. Il n’y a plus de place pour des erreurs. Et celles-ci ont de graves conséquences. Le spectacle en prend un coup, car le suspense aurait été bien plus intéressant avec Kilde et Schwarz dans la lutte pour le général avec Odermatt. 

Êtes-vous inquiets pour l’image du ski?

Clairement. Beaucoup de critiques extérieures arrivent et ce n’est pas bon. Nous perdons probablement des spectateurs. Le ski alpin va dans la mauvaise direction. Nous devons donner un signal clair et apprendre de nos erreurs. Il est l’heure de mettre en œuvre ces changements au niveau du calendrier et du matériel. Nous devons surveiller et freiner le développement du matériel qui devient trop extrême. Cela fait par exemple huit ans que je répète que les sous-vêtements anti-coupures devraient être obligatoires. Ils auraient pu éviter des blessures cette saison selon moi.

Les athlètes semblent aussi préoccupés et se sont réunis plusieurs fois pour discuter de leur avenir, notamment au niveau du futur calendrier. Vont-ils êtres écoutés?

Oui, ils se sont réunis pour discuter de thèmes importants. Notamment la planification du calendrier. Finalement, ce sont eux qui disputent les courses et c’est normal qu’ils aient leur mot à dire. Leurs revendications vont être amenées lors du comité de la FIS (ndlr: en mai) par les représentants des athlètes. Une première version du calendrier sera faite, avant sa validation le 5 juin par les membres du Conseil de la fédération.

Peut-on s’attendre à une «révolution»?

Il le faut. C’est nécessaire. On doit donner un signal clair. Déjà un meilleur équilibre entre disciplines, du temps pour la récupération. Des lieux mieux pensés pour accueillir les courses selon l’enneigement et la période dans la saison.

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