JO de TokyoMichael Phelps: «La santé mentale des athlètes est une réelle problématique»
Rencontrée par l’intermédiaire de son partenaire horloger Omega, l’ex-icone de la natation s’est livré sur les soucis psychologiques rencontrés par plusieurs sportifs.
- par
- Sylvain Bolt Tokyo
La dernière édition des Jeux olympiques sans Michael Phelps est celle de 1996. De retour aux Jeux pour la première fois sans nager, l’athlète le plus médaillé de l’histoire des JO (28 médailles dont 23 d’or) officie au Japon comme expert pour le diffuseur américain NBC.
La légende américaine de la natation nous a reçu dans le Pavillon de son sponsor Omega, en chemise estivale et avec un masque sur le visage.
Michael Phelps (36 ans) est revenu sur la santé mentale des athlètes, après les problèmes rencontrés notamment par Naomi Osaka et Simone Biles lors de ces JO.
L’Américain a lui-même sombré dans de nombreuses phases de dépression (notamment post-olympique) et a même songé au suicide lorsqu’il était au sommet de sa carrière. Rencontre.
Michael Phelps, vous n'êtes plus qu'un spectateur pour la première fois depuis 1996. Qu’est-ce que cela vous fait de venir aux Jeux olympiques sans nager?
C'est bizarre. Vraiment très étrange. J’étais dans l’arène de natation, l’autre soir et j'étais vraiment excité, j'avais l'impression d'être prêt à commencer la compétition à mon tour. Il y avait simplement le stresse en moins. La natation est une grande partie de ma vie et les Jeux olympiques aussi. C’est sympa d’être là pour soutenir les athlètes.
Les compétitions se déroulent sans spectateurs cette année. Est-ce vraiment des Jeux olympiques?
Les Jeux olympiques restent les Jeux olympiques. Le fait que nous les accueillions dans le contexte actuel montre à quel point ils sont importants. L'idée olympique est de rassembler le monde et cette idée est géniale. C'est en tout cas ce que j'ai vécu ces vingt-cinq dernières années. C'est fou de voir les efforts qui ont dû être faits et chaque petit détail qui a dû être pensé. Tokyo fait un travail phénoménal. Les organisateurs font en sorte que les athlètes et tout le monde soit en bonne santé.
En tant qu’athlète, auriez-vous eu du plaisir sans ferveur autour des bassins?
C’est clairement plus difficile sans la folie du public. Mais j’aurais été capable de le faire dans ces conditions et aussi rapidement. Pour les athlètes, les Jeux ont de toute façon autant de valeur que les autres. Tous les athlètes qui participent sont désormais des Olympiens et personne ne peut leur enlever ça. Les gens du monde entier les regardent, les encouragent et deviennent fous. Tout comme moi le soir où je suis allé voir des compétitions.
Les athlètes qui réussissent sont souvent présentés comme des phénomènes paranormaux, parfaits et sans faiblesse. Pourquoi soutenez-vous depuis plusieurs années les sportifs et les sportives qui évoquent des problèmes sur le plan mental, comme Naomi Osaka ou Simone Biles lors de ces Jeux.
Pendant ma période d'activité, j'ai aussi longtemps cru que le fait de montrer sa vulnérabilité était un signe de faiblesse. Mais en réfléchissant à tout ce que j’ai traversé, notamment lors des de mes derniers JO, je me suis rendu compte que j’avais tort. Il faut saisir l’opportunité de parler de ses problèmes physiques et mentaux. Si on prend en compte notre santé physique pour qu’elle devienne une force, alors pourquoi nous ignorons d’évoquer notre santé mentale? Il faut prendre en compte ces deux aspects. C’est le seul moyen d’accomplir nos plus grands rêves et objectifs.
Mais ce n’est pas donné à tout le monde de le faire…
C’est difficile d’évoquer certaines choses. Je suis passé par là…Avouer que l’on est vulnérable est effrayant. Mais finalement c’est la seule façon de grandir. Cela permet à chacun de savoir que c’est tout à fait naturel de ne pas aller bien. Qu’il est normal d'avoir des problèmes et parfois des pensées négatives. Mais il faut en parler plus ouvertement, on devrait le faire davantage encore. Car cela vous aide personnellement mais ça peut aussi aider quelqu’un d’autre.
Fait-on assez pour la santé mentale des sportifs?
Je pense que les gens commencent à comprendre que la santé mentale des athlètes est une réelle problématique. C’est dommage que cela ait pris autant de temps, mais c’est réjouissant d’observer les changements qui ont eu lieu ces cinq dernières années. Les gens s’ouvrent. Prenez Naomi Osaka. C’est assez puissant ce qu’elle a réussi à amener sur le plan de la sensibilisation, en montrant ses vulnérabilités à sa manière. Cela peut servir d’élément déclencheur. J’aimerais encourager encore plus de gens à parler de leurs soucis, quels qu’ils soient. Je suis le premier à admettre que personnellement, ça m’a sauvé la vie.
Comment expliquez-vous ce changement au cours des dernières années?
Les gens parlent de leurs sentiments, ont moins peur de se livrer et d’être jugés. La vie est trop courte pour ne pas être franc avec soi-même.