Arles (F)L’indépendantiste corse Yvan Colonna aurait été tabassé pour un blasphème
L’agresseur du militant, un jihadiste camerounais, aurait expliqué aux enquêteurs du Parquet antiterroriste avoir attaqué son codétenu parce que celui-ci aurait «mal parlé du prophète».
Le Parquet national antiterroriste (Pnat) s’est saisi jeudi de l’enquête sur la violente agression à la prison d’Arles qui a plongé dans le coma le militant indépendantiste corse Yvan Colonna, sur fond de montée des tensions dans l’île de Beauté autour du mot d’ordre «L’État français assassin».
L’agresseur, Franck Elong Abé, un Camerounais de 36 ans présenté comme un «jihadiste», purgeait depuis 2016 une peine de neuf ans d’emprisonnement pour «association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme». Selon plusieurs sources proches du dossier, il a expliqué aux enquêteurs son geste par un «blasphème» attribué à Yvan Colonna qui aurait, selon lui, «mal parlé du prophète».
«Les circonstances des faits et les premiers éléments d’enquête qui semblent, en l’état, exclure un différend d’ordre personnel, motivent cette saisine», a indiqué de son côté le Pnat dans un communiqué.
La garde à vue de Franck Elong Abé se poursuit désormais pour «tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste». La saisine du Pnat «va entraîner la prolongation de la garde à vue jusqu’à 96 heures», a-t-il ajouté.
«Nous allons faire tout ce qu’il faut évidemment pour que la vérité soit faite», a promis sur France Inter le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Toujours dans le coma
Yvan Colonna, 61 ans, était toujours dans le coma jeudi matin à Marseille, dans un état stable, a indiqué Me Patrice Spinosi, son avocat et celui de la famille Colonna, insistant sur le fait qu’il n’était pas en état de mort cérébrale.
Le militant indépendantiste, condamné à la perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac en 1998, a été victime «d’une strangulation à mains nues puis d’un étouffement» pendant qu’il faisait de la musculation seul, avait indiqué mercredi le procureur de Tarascon, Laurent Gumbau.
Mais en Corse les interrogations et les accusations fusent sur une possible responsabilité de l’État alors qu’Yvan Colonna réclamait de longue date son rapprochement sur l’île. Ses multiples demandes avaient été systématiquement refusées, le statut de «détenu particulièrement signalé» du militant l’empêchant d’être transféré à la prison corse de Borgo.
«Gloire à toi Yvan»
Après des rassemblements à Ajaccio, Bastia et Corte mercredi soir, c’est l’Université de Corte qui était bloquée jeudi matin. Des poubelles et des palettes ont été disposées pour bloquer l’entrée. Sur la façade, deux banderoles portant des messages en corse étaient brandies: «statu francese Assassinu» (l’État français assassin) et «Gloria Ate Yvan» (Gloire à toi Yvan).
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées en début d’après-midi à Corte pour définir la suite de la mobilisation. Le parti indépendantiste Corsica Libera a déjà appelé «à marcher contre la préfecture» ce samedi à Ajaccio. Des gendarmes mobiles et des CRS ont été envoyés en renfort sur l’île en prévision des manifestations.
Le berger de Cargèse avait été arrêté le 4 juillet 2003 près du village d’Olmeto (Corse du Sud), après quatre ans de cavale. Huit ans plus tard, et après trois procès, celui qui a toujours affirmé n’avoir «jamais tué» personne avait été condamné le 20 juin 2011 à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac. Il l’a toujours nié.