Ski freestyleMathilde Gremaud: «Plein de fun, c'est tout»
La Fribourgeoise de 22 ans a rebondi au firmament, après avoir frôlé la catastrophe la veille. Elle a presque eu honte d'elle, avant d'aller décrocher l'or du slopestyle des Jeux de Pékin.
- par
- Robin Carrel Zhangjiakou
La Gruérienne est passée par tous les états d'âme, en l'espace d'une seule journée. Sa qualification pour quelques poussières de point s'est transformée en or pour... quelques poussières de point. Emportée par un tourbillon d'émotions, Mathilde Gremaud a analysé son incroyable victoire du jour.
Qu'est-ce qui vous est passé par la tête, après ce premier run manqué?
Ce n'était pas un bon départ, c'est clair. Avec mon coach, on a changé mes skis pour la descente suivante, parce que quelque chose s'était cassé. Je pense que c'était une bonne distraction, en fait. Ça m'a fait penser à autre chose. Je me suis dit que j'avais encore deux runs derrière et je n'ai pas eu à penser à ce que j'avais à faire. Ça m'a vidé la tête, parce que je pensais surtout à comprendre pourquoi quelque chose s'était cassé.
Vous êtes passée en premier lors de la dernière manche. C'était quoi les impressions, en voyant les autres descendre.
Ça a été une longue attente... Mais j'ai apprécié, parce que ça m'a permis de voir toutes les filles faire leur manche. On ne voit pas tout depuis l'aire d'arrivée, mais j'étais excitée pour toutes les concurrentes qui passaient. Je voulais rester première, forcément, mais je les ai supportées. J'espérais que toutes allaient tout donner et qu'elles fassent leur meilleure performance.
Ça fait quoi d'avoir des médailles de toutes les couleurs?
Honnêtement, ce n'est pas du tout quelque chose à quoi je m'attendais. C'est un sacré bon sentiment. Tout a souri et j'ai pris un immense plaisir. Je n'ai pas tellement ressenti de pression. Après la première manche, je savais qu'il restait deux chances pour montrer ce que j'avais de meilleur. Le plus important, c’était d'avoir du fun. OK, j'ai mal commencé, mais je savais que je pouvais faire mieux. J'ai juste eu du plaisir sur les skis. La pression avait été un peu évacuée après ma médaille de bronze sur le Big Air. Pour moi, ces Jeux étaient déjà réussis. Je n'attendais rien de plus!
Parlez-nous de ces dernières 24 heures pas comme les autres...
C'est vrai qu'hier, j'étais au fond du bac. Il n'y a pas d'autres manières de les décrire. Mais je suis comme ça: vite en haut et vite en bas aussi. Hier, j'étais vraiment très bas! C'est un petit peu la honte, quand j'y repense. Parce que je suis si bien maintenant... Il y a 24 heures, je n'étais pas dans mes baskets. J'étais même bien à côté. Mais j'ai touché le fond et rebondi. Pour être honnête, j'ai pleuré une demi-heure et ça m'a permis de tout sortir. Ca m'a reconcentrée sur la compétition d'aujourd'hui. En finissant 12e des qualifications, j'avais eu de la chance que ça passe. Ensuite, les compteurs ont été remis à zéro et ça m'a redonné de l'espoir.
Vous avez eu Giulia Tanno au téléphone, après les qualifications?
Non, je n'ai pas eu de contact avec elle. Mais j'ai pensé fort à Giulia, par contre. Elle était une bonne partie de ma motivation. Pendant les qualifications, je suis passée très proche d'abandonner. Mais je ne pouvais pas faire ça. C'est ma coéquipière et, il y a quatre ans, elle s'était déjà blessée peu avant les JO. C'est arrivé encore une fois cette année, à trois semaines de s'envoler pour la Chine... Elle n'a pas pu être là, elle a été opérée d'un genou et c'est dur.
Quel a été la clé de votre victoire?
Plein de fun, c'est tout.
Eileen Gu est revenue très près de vous lors de la 3e manche. Qu'est-ce qui a fait la différence?
Je ne suis pas dans la tête des juges. Je peux seulement imaginer ce qu'ils ont décidé. C'est passé près, mais je suis juste heureuse que ça ait tourné de mon côté. Je suis aussi heureuse pour Eileen. C'était une jolie bataille. Je pense que c'est mon premier saut qui a fait la différence (ndlr: un double cork 1080). Je crois que c'est là qu'on trouve les quelques poussières de point d'écart.
Vous étiez contente de votre run?
C'est dur de dire que je ne le suis pas, parce que j'ai gagné. Je pense toutefois que j'aurais pu faire mieux sur le dernier saut. C'est ce que je voulais améliorer pour la 3e descente. Ça m'aurait peut-être permis d'avoir une plus grande marge sur Eileen et être un peu plus confortable dans l'aire d'arrivée.