Inde : «Mieux vaut une tête coupée qu’un arbre abattu» 

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Inde«Mieux vaut une tête coupée qu’un arbre abattu»

En Inde, les bishnoï, parmi les plus anciens défenseurs de la nature, sont prêts à sacrifier leur vie pour protéger un arbre ou un animal menacé.

Une femme bishnoï dans l’État indien du Rajasthan, en novembre 2022.

Une femme bishnoï dans l’État indien du Rajasthan, en novembre 2022. 

AFP

Parmi des daims et des antilopes, Ghevar Ram prend soin d’un faon blessé dans le centre vétérinaire de Khejarli, au Rajasthan (nord-ouest de l’Inde), établi par la communauté religieuse indienne bishnoï qui, depuis plus de cinq siècles, se doit de protéger, quoi qu’il en coûte, les arbres et les animaux.

Bishnoï lui-même, le quadragénaire a consacré sa vie à recueillir et à prendre soin des animaux en détresse jusqu’à leur rétablissement complet avant de leur permettre de recouvrer la liberté. «Je traite les animaux comme mes propres enfants. C’est ce qu’on nous apprend depuis notre enfance», explique à l’AFP l’homme de 45 ans, tout en donnant un biberon à un faon.

Toute vie est sacrée 

Les bishnoï, sans doute parmi les plus anciens défenseurs de la nature, sont prêts à sacrifier leur existence pour se porter au secours d’un arbre ou d’un animal en danger. Pour eux, toute vie est sacrée, car leur dieu réside dans toute vie. Cette communauté d’obédience vishnouïte, un courant de l’hindouisme, compte aujourd’hui 1,5 million d’adeptes, soumis aux 29 préceptes (en hindi «bis» signifiant 20 et «noi» 9) édictés par son fondateur, le gourou Jambheshwar, au XVe siècle.

Répandus principalement dans les villages de l’aride État du Rajasthan, les adeptes comptent Amrita Devi parmi leurs icônes, cette bishnoï tuée en 1730 en s’opposant à l’abattage d’un khejri (prosopis cineraria), un arbre du désert.

Les martyrs de Khejarli 

Selon l’histoire locale, un seigneur des environs avait envoyé à Khejarli des hommes en quête de bois afin d’alimenter les fours à calcination destinés à produire du ciment et de la chaux pour bâtir son palais. À leur arrivée, ces hommes, munis de haches, s’employèrent à abattre l’un des nombreux khejri du village, quand Amrita se précipita pour étreindre le tronc de l’arbre menacé, faisant un rempart de son corps.

«Malgré ses supplications, les hommes ne se sont pas interrompus. Et comme elle enserrait l’arbre, les hommes du roi ont coupé, sans pitié, l’arbre et la tête» d’Amrita, raconte avec émotion Sukhdev Godara, instituteur à la retraite. Les trois filles d’Amrita se sont à leur tour jetées sur les arbres pour les protéger avant de subir le même sort que leur mère. En tout, 363 hommes, femmes et enfants bishnoï furent tués pour s’être portés au secours des arbres du village. Depuis, les bishnoï ont coutume de répéter ses derniers mots: «Mieux vaut une tête coupée qu’un arbre abattu.» 

Strictement végétariens 

Leur sacrifice est désormais commémoré dans le village par un monument funéraire, portant le nom de tous ces martyrs, surmonté d’une statue à l’effigie d’Amrita Devi. La villageoise Sita Devi, strictement végétarienne comme toute la communauté, alimente son feu de cuisson avec des galettes de bouse de vache plutôt qu’avec du bois de chauffage pour nourrir sa famille.

Vêtue d’une longue jupe rose traditionnelle et de bijoux en or étincelants, cette mère de sept enfants dit avoir elle-même nourri au sein un faon orphelin. «Je travaillais dans les champs quand j’ai vu ce faon se faire attaquer par des chiens sauvages», se souvient-elle, «je l’ai sauvé et recueilli à la maison». «J’ai nourri le faon avec mon propre lait et lorsqu’il a repris des forces, je l’ai relâché dans la nature», affirme-t-elle fièrement.

Harmonie et bienveillance 

Les bishnoï n’incinèrent pas leurs morts car cela impliquerait d’abattre des arbres pour alimenter le feu, mais les inhument. Agriculteurs pour la plupart, ils veillent à ce qu’aucun animal ne soit en danger sur leurs terres.

À l’heure de la lutte contre le changement climatique, «nous devrions planter de plus en plus d’arbres», rappelle l’avocat bishnoï Rampal Bhawad, «nous devrions vivre en harmonie avec la nature, nous montrer bienveillants avec tous les êtres vivants.» 

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(AFP)

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