Sondage – Le semi-confinement en Suisse a surtout stressé les femmes et les étudiants

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SondageLe semi-confinement en Suisse a surtout stressé les femmes et les étudiants

Trois études de l’EPFL réalisées entre mars et juin 2020 montrent les niveaux de stress psychologique, notamment liés aux conditions du logement.

Michel Pralong
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Michel Pralong
Les femmes, et surtout celles en télétravail avec des enfants en bas âge, sans espace extérieur dans leur logement, ont particulièrement souffert du semi-confinement.

Les femmes, et surtout celles en télétravail avec des enfants en bas âge, sans espace extérieur dans leur logement, ont particulièrement souffert du semi-confinement.

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Entre le 16 mars et le 19 juin 2020, les habitants de la Suisse ont vécu en semi-confinement, une mesure imposée par le Conseil fédéral pour faire baisser les infections dues au coronavirus. Comment les gens ont-ils vécu cette situation, qui l’a mieux supportée que d’autres? Pour le savoir, l’EPFL a mené trois études basées sur un questionnaire rempli par la population et donc les résultats définitifs viennent d’être publiés.

Selon la première, parue dans «Frontiers in Psychology», 43% des 5932 sondés ont dit se sentir plus souvent anxieux durant ce semi-confinement, et 33% plus déprimés. La hausse du stress était 42% plus élevée chez les femmes que chez les hommes et 29% plus élevée chez les étudiants que chez les travailleurs, les sans-emploi et les retraités.

Les chercheurs estiment donc que la santé psychologique de la population estudiantine et celle des femmes devront sérieusement être prises en considération lors de possibles futurs semi-confinement ou confinement. «C’est le rôle des autorités publiques d’anticiper et de mettre en place des mesures adaptées, ce qui nécessite l’inclusion de diverses formes d’expertises et d’expériences», indique Livia Fritz, postdoctorante au Laboratoire de relations humaines-environnementales dans les systèmes urbains (HERUS) et coautrice de l’étude.

Pas de différence entre ville et campagne

Sans surprise, le type de logement joue un rôle important dans la manière dont a été vécu le semi-confinement. Les personnes qui disposaient de plusieurs espaces extérieurs, comme un jardin, un balcon ou une terrasse, ont présenté un stress psychologique 23% moins élevé que celles qui n’avaient aucun accès extérieur. «Ce résultat rappelle que les inégalités persistent selon les conditions de logement et ont un réel impact sur le bien-être», indique Livia Fritz. «En revanche, on a été surprises de constater que pendant la première vague, la différence entre ville et campagne n’était pas déterminante en termes de stress psychologique.»

L’étude a également montré que certaines activités pouvaient diminuer la tension psychologique. Les personnes qui pratiquaient des activités sportives ou qui ont plus cuisiné durant cette période ont ainsi moins ressenti de stress que celles qui ont passé la majorité de leur temps devant la télévision ou sur les réseaux sociaux.

Les «relâchés» ont mieux vécu leur travail

La deuxième étude, parue dans la «Revue des politiques sociales et familiales» s’est intéressée à la plasticité du logement, c’est-à-dire aux nécessités de l’adapter en fonction de ce semi-confinement. La catégorie des «éprouvés», soit de jeunes actifs de moins de 44 ans en télétravail et vivant le plus souvent avec des enfants en bas âge, a dû le plus adapter son logement à la situation, les contraintes de l’espace domestique redoublant les difficultés liées à la vie professionnelle et familiale. Cette catégorie comprend en majorité des femmes (67%) et, globalement, un plus faible niveau de formation que les autres.

À l’autre extrême, on trouve ce que les chercheurs ont appelé les «relâchés»: soit les personnes ne souffrant ni d’isolement ni de surcharge de travail. Dans cette catégorie, les hommes sont surreprésentés (55%), de même que les personnes âgées de plus de 55 ans et les détenteurs d’un diplôme d’études supérieures. Les «relâchés» ont plus souvent déclaré avoir vécu de meilleures conditions de travail qu’à l’ordinaire durant le semi-confinement. Les petits ménages détenteurs de grands logements avec jardin y sont également surreprésentés.

«Nos résultats montrent que le niveau de formation protège des risques de précarité économique lors de ces situations exceptionnelles. Ils rappellent aussi les inégalités déjà présentes dans la société en termes de logement», commente Garance Clément, postdoctorante au LaSUR (Laboratoire de sociologie urbaine) et coautrice de cette étude.

Les «piégés» rêvaient d’un endroit où s’exprimer

La troisième étude, parue dans «Cities & Health» s’est penchée sur la notion de logement idéal qui, pour 60% des personnes interrogées, a changé durant le semi-confinement. Il y a eu d’un côté un besoin accru de posséder «un endroit où je puisse m’exprimer» parmi les femmes, les personnes touchées par l’accumulation du travail domestique et les personnes privées d’activités culturelles. Ces personnes ont été définies comme «les piégées» par les chercheuses.

Le changement d’idéal est aussi apparu dans la catégorie des «pragmatiques», comportant des hommes célibataires ou des personnes qui vivaient dans des logements temporaires, à l’hôtel ou chez des amis, et les ménages d’une personne. Chez elles, la privation de mouvement a généré l’envie d’acquérir un logement qui remplisse mieux leurs besoins essentiels (manger, dormir, travailler).

Opportunité pour repenser nos espaces de vie

«Nos résultats devraient inciter les responsables de santé publique, les architectes et les propriétaires d’immeuble à proposer des espaces adaptés à des nécessités et des dynamiques différentes durant un semi-confinement», relève Anna Pagani, chercheuse à l’HERUS et coautrice. «Par exemple, créer des salles partagées ou privatives, à l’exemple d’ateliers, de bibliothèques et de lieux où travailler au sein d’un même immeuble. Ceci permettrait d’atténuer les conflits entre activités incompatibles. Des espaces extérieurs, comme des balcons, qui permettent de se parler et de se voir, préserveraient aussi la santé et le bien-être des personnes exposées à l’isolement spatial et social».

Pour elle, cette crise pourrait aussi être l’occasion d’adapter durablement nos logements «C’est une opportunité pour repenser nos espaces de vie, mais il faudra du temps pour voir une évolution du parc immobilier, car il y a beaucoup d’inertie dans ce secteur.»

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