Méditerranée - En Libye, un littoral de déchets borde une mer insalubre

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MéditerranéeEn Libye, un littoral de déchets borde une mer insalubre

Plages jonchées de déchets, station de filtrage à l’arrêt, eaux usées déversées dans la mer: sur des parties du littoral, à Tripoli, la baignade est interdite.

Sacs plastiques, canettes, bouteilles… De nombreuses plages de Tripoli sont noyées sous les déchets.

Sacs plastiques, canettes, bouteilles… De nombreuses plages de Tripoli sont noyées sous les déchets.

AFP

Des eaux fétides et des montagnes d’ordures: à Tripoli, de nombreuses plages sont interdites à la baignade du fait d’une pollution alarmante, au grand dam des habitants de la capitale libyenne, privés d’un de leurs rares exutoires. S’étendant sur une trentaine de kilomètres dans le grand Tripoli, de nombreuses plages ont été fermées, en juillet, par le ministère de l’Environnement, alors que la saison estivale bat son plein.

C’est cette portion du littoral libyen, bordé par la Méditerranée et long de 1770 km, qui est la plus polluée du pays d’Afrique du Nord. Les eaux marines autour de la capitale, où vivent plus de deux millions d’habitants, accueillent chaque jour les déversements sans aucun traitement des eaux usées.

Des jeunes se baignent quand même…

Sacs plastiques, canettes, bouteilles… Ces plages sont en outre noyées sous les déchets. Dans l’une d’entre elles, en face d’un grand hôtel, des canaux à ciel ouvert acheminent directement les déjections urbaines vers des bassins peu ragoûtants, où des jeunes s’aventurent à la baignade, malgré les risques.

«La situation est catastrophique», concède Abdelbasset al-Miri, responsable de la surveillance du littoral au ministère de l’Environnement. «Il faut des solutions rapides pour traiter ce problème, qui nuit aussi bien à l’environnement qu’à l’homme.»

Forte concentration de bactéries

Cela fait des décennies que la seule station de filtrage des eaux usées de Tripoli est à l’arrêt. Résultat: «des tonnes de litres d’eaux usées se déversent directement dans la mer chaque jour», reconnaît Sara al-Naami, du Conseil municipal de Tripoli.

Des analyses effectuées récemment montrent que l’eau de mer contient une «forte concentration de bactéries, atteignant 500% de plus que la normale, avec une présence de la bactérie Escherichia coli (E. coli, une bactérie très courante dans le tube digestif de l’être humain) dans cinq secteurs testés» autour de Tripoli, selon cette responsable.

Solutions temporaires

«Nous avons évoqué la question de la pollution de l’eau de mer à Tripoli avec l’ancien et l’actuel gouvernement, en insistant sur l’urgence d’un projet d’assainissement», affirme Sara al-Naami. Mais aucun projet d’assainissement n’a vu le jour, d’où la nécessité de trouver «des solutions temporaires», comme «le filtrage des eaux usées avant qu’elles n’atteignent la mer, à l’aide notamment de bassins de décantation», préconise-t-elle.

«À cause du confinement et de l’insalubrité de l’eau de mer, les Libyens vivent dans une prison estivale.»

Mohamad al-Kabir, habitant de Tripoli

La Libye tente de s’extirper d’une décennie de chaos depuis la chute, en 2011, du régime de Mouammar Kadhafi. Un gouvernement a été installé, en début d’année, pour unifier les institutions et assurer la transition d’ici des élections législatives et présidentielle, en décembre.

En attendant, le quotidien des Libyens reste, lui, rythmé par les coupures de courant quotidiennes, les pénuries de liquidités et l’inflation. Dans ce pays de près de sept millions d’habitants, où les activités de loisirs sont quasi inexistantes, la baignade s’apparente dans ce contexte à un exutoire rare pour une population excédée par les conflits.

Odeurs nauséabondes en cas de canicule

Si certains estivants font fi des risques sanitaires, d’autres, comme Walid al-Mouldi, propriétaire d’une boutique de vêtements de sport à Tripoli, se montrent plus prudents pour éviter «de tomber malade». «La situation s’est dégradée au fil des ans. Les jours de canicule, l’odeur devient nauséabonde», raconte ce Tripolitain de 39 ans, assis sur une chaise blanche en plastique, à quelques mètres de l’eau.

«Nous devons alors partir à plus de 100 kilomètres à l’est de Tripoli, à la recherche d’une eau plus propre», raconte-t-il. «À cause du confinement et de l’insalubrité de l’eau de mer, les Libyens vivent dans une prison estivale», soupire son ami Mohamad al-Kabir.

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