Tennis«Quand un match est bon, ce n’est jamais trop long»
Comme tous les puristes, Marc Rosset n’a pas accueilli l’introduction d’un super tie-break à 6-6 au 5e set de tous les Grand Chelem avec une grande joie.
- par
- Jérémy Santallo
Il y a ceux qui saluent l’excellence d’une décision collective, d’une uniformisation pour une meilleure visibilité du public, mais aussi des joueurs – Roger Federer avait demandé à l’arbitre de chaise lors de la finale de 2019 à Wimbledon si le tie-break était à 10-10. Et puis il y a les puristes, ceux qui invoquent une âme égarée sur l’autel d’une aseptisation toujours plus profonde du tennis. Dernier bastion de résistance parmi les tournois du Grand Chelem du format avec deux jeux d’écart lors du 5e set, Roland-Garros a rendu les armes. «Il vient de claquer la porte au nez du romanesque, à cette chance infime qu’un match tende vers l’infini grâce à des funambules à bout de forces, écrit notamment Julien Reboullet dans L’Équipe. Ce qui était rare était cher. Ce qui n’existe plus n’a pas de prix», conclut le journaliste tennis du quotidien français.
Cela a ravivé le souvenir, chez nous, de cette soirée de mai 2019. «Coincé» dans les tribunes du court Philippe-Chatrier pour une rencontre de Belinda Bencic, on n’avait pas pu assister à la fin de la rencontre entre Pierre-Hugues Herbert et Benoît Paire, à quelques mètres de là, sur le bouillant Suzanne-Lenglen (11-9 au 5e), alors que l’on entendait bien qu’il s’y déroulait un moment d’histoire. Dans un timing remarquable, l’ancien patron Guy Forget avait donné le jour même une interview à L’Équipe dans laquelle il défendait le mode de fonctionnement de son tournoi alors que l’Open d’Australie et Wimbledon venait de céder aux sirènes du tie-break dans le set décisif. «Si un Djoko - Nadal arrive à six partout au cinquième à Roland-Garros, j’ai envie d’en voir un peu plus», expliquait alors Guy Forget.
C’est exactement le type de propos que tient aujourd’hui Marc Rosset, au lendemain de l’annonce des quatre Majeurs de conclure un 5e set par un super tie-break en 10 points, à 6 jeux partout. «On parle de s’adapter à de nouveaux modes de consommation parce que le tennis est devenu trop long à la télévision pour les nouvelles générations. Mais moi, je pars du principe que quand un match est bon, ce n’est jamais trop long. Comme la finale entre Medvedev et Nadal en Australie, explique le directeur sportif du Geneva Open. Le point positif de tout ça, c’est l’unité des quatre Grand Chelem. Mais dans l’absolu, je suis plutôt contre ce jeu décisif pour conclure un 5e set. Une partie comme celle entre Isner et Mahut, il n’y en a eu qu’une poignée.»
Mercredi, au cours de sa conférence de presse, Amélie Mauresmo, nouvelle directrice de Roland-Garros, a invoqué la santé des joueurs, qu’il faut préserver, pour justifier cette décision collégiale. «Mais si tu arrives au tie-break d’un 5e set, tu as déjà largement hypothéqué ton prochain match, voire ton tournoi, souligne le champion olympique de Barcelone. À part les très grands joueurs, si un athlète fait deux fois cinq sets lors des premiers tours, il ne va pas beaucoup plus loin. Et puis je ne pense pas qu’un match à 8-6 ou 12-10 au 5e va te «flinguer». Je veux dire, dans le sens où tu augmentes le risque de te blesser.»
Finalement, les puristes se consoleront peut-être avec l’arrivée de ce jeu décisif en 10 points, dit aussi super tie-break, qui va entrer en vigueur partout au moins une année dès Roland-Garros, à l’instar de ce qui se faisait déjà à l’Open d’Australie. Ainsi le risque de voir une finale Federer – Djokovic (au hasard, Wimbledon 2019) se jouer en 7 points alors qu’ils ont été jusqu’à 12 jeux partout au 5e est désormais caduque. «J’ai toujours aimé ce super tie-break, confesse Marc Rosset. En sept points, si tu te plantes sur les trois premiers, tu es mort. Imagine, tu perds le premier point sur ton service et derrière tu as un John Isner qui te colle deux aces. C’est 3-0 et tu es déjà mal barré. En 10 points, tu peux déjà plus renverser les choses, c’est moins aléatoire.»
Jamais avare d’idées, notre interlocuteur va même plus loin: «Pourquoi ne pas instaurer ce super tie-break sur les autres tournois, comme les Masters 1000? Plus le match est long, plus le joueur le plus fort est supposé s’imposer. On parle ici de 5 ou 6 minutes de tennis en plus, ce n’est pas la fin du monde.»