France: au procès de Monique Olivier, les ratés de l’affaire

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FranceAu procès de Monique Olivier, les ratés de l’affaire évoqués

Jeudi, la justice française a rappelé les manquements qui ont émaillé l’enquête sur Michel Fourniret, ce tueur en série connu sous le nom de l’ogre des Ardennes.

Monique Olivier est jugée pour trois enlèvements et meurtres.

Monique Olivier est jugée pour trois enlèvements et meurtres.

AFP

Des services qui communiquent mal et des procédures laissées de côté: les errements des enquêtes françaises ont été jeudi au cœur de la troisième journée du procès de Monique Olivier, l’ex-femme de Michel Fourniret jugée à Nanterre pour complicité dans trois enlèvements et meurtres.

Les témoins, anciens de la police judiciaire de Reims et du tribunal de Charleville-Mézières, convoquent des souvenirs vieux de parfois 20 ans, hésitent sur des détails qu’ils ont oubliés, comme un coup de téléphone entre enquêteurs ou une reconstitution.

Manque de rapprochement

Me Didier Seban, avocat des familles Mouzin et Parrish, a plusieurs fois dénoncé le manque de rapprochements entre les disparitions de jeunes femmes et filles imputées à Michel Fourniret. Ce dernier, quand il s’installe dans l’Yonne en 1987, est en liberté conditionnelle après une condamnation pour agressions sexuelles et viols.

«On découvre un cadavre à un kilomètre et demi du domicile de Fourniret», celui de Céline Saison disparue en 2000, un des crimes pour lesquels le tueur en série et Monique Olivier ont été condamnés devant les assises des Ardennes en 2008, rappelle l’avocat. «Il a été suivi, il est connu pour des faits d’agression sexuelle et à l’époque, on ne fait pas de rapprochement», souligne-t-il. «Fourniret n’est pas interrogé», il n’est «pas surveillé», énumère le conseil.

«On aurait dû consulter le fichier»

À la barre, légèrement embarrassé, Daniel Bourgard, commandant à la retraite de la police judiciaire de Reims, reconnaît une «erreur» lors de l’enquête sur la disparition de cette jeune femme de 18 ans, violée et tuée par l’ogre des Ardennes.  

«On aurait dû consulter le fichier de gendarmerie, or on se trouvait à un moment où on passait d’un fichier papier à un fichier informatique», concède-t-il, expliquant pourquoi Michel Fourniret n’apparaissait pas dans ses radars comme agresseur sexuel. Si un rapprochement avait été fait dès 2000, «d’autres meurtres auraient pu être évités, comme celui d’Estelle Mouzin» en 2003, accuse Me Seban.

Pugnacité des enquêteurs

Ces manquements contrastent avec la pugnacité des enquêteurs belges, qui mènent l’enquête dans une Belgique traumatisée par l’affaire Marc Dutroux. Avant les aveux que la police judiciaire belge obtient de Monique Olivier en juin 2004 (elle avoue neuf meurtres en une journée), les Français n’ont «aucun élément» sur les disparitions de Marie-Angèle Domèce et Joanna Parrish.  

À l’époque, Michel Fourniret est en détention provisoire depuis un an, après son interpellation pour l’enlèvement raté d’une adolescente. Sans les aveux de son ex-femme, qu’il confirme, il aurait été libéré, tance Me Corinne Herrmann, conseil de la fratrie Domèce. 

Dans le box des accusés, Monique Olivier reste impassible, voûtée dans son pull gris clair, sans réaction face aux descriptions parfois crues des enquêteurs. Parmi les autres errements dénoncés par les avocats de parties civiles, l’enquête menée par les juges d’instruction de Charleville-Mézières, avant le procès de 2008.

«On n’avait pas retrouvé le corps»

Alors que Michel Fourniret avait demandé à être jugé pour les affaires Domèce, Parrish et Mouzin dans une lettre de 2007, les juges décident de ne pas les joindre à celles jugées en 2008, arguant que l’homme nie être impliqué dans les affaires Parrish et Domèce et que Monique Olivier s’est rétractée sur ses aveux.

«Les aveux, les indices, les déclarations de Fourniret, ça ne suffisait pas pour le renvoyer aux assises?» demande sèchement mais calmement Me Seban à Pascal Préaubert, ancien juge d’instruction, au sujet de la disparition de Marie-Angèle Domèce en 1988. «On n’avait pas retrouvé le corps», répond le magistrat à la retraite, visiblement très mal à l’aise.

(AFP)

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